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église de la Cité ne manquait pas d’églises pour lui tenir compagnie ; les clochers se groupaient autour d’elle comme les mâts des navires se groupent sur le fleuve. On se serait lassé à les compter du haut de sa flèche tant il y en avait. Dans chaque place, dans chaque espace un peu vide se trouvait une église. Quand Suzanne et M. Toots s’en approchèrent le dimanche matin, c’était un bruit de cloches assourdissant. Il y avait plus de vingt églises à côté l’une de l’autre qui appelaient à qui mieux mieux les fidèles à la prière. Nos deux brebis égarées furent parquées par un bedeau dans un banc commode, et comme ils étaient arrivés trop tôt, ils s’occupèrent à compter les fidèles, à écouter la cloche qui tintait en vain dans le clocher, et à regarder un vieux petit bonhomme, qui, placé sous le porche derrière un paravent, sonnait le fameux instrument, dans l’attitude du taureau de Cock Robin[1] un pied passé dans l’étrier. M. Toots après avoir regardé longuement et attentivement les grands livres placés sur le pupitre, dit tout bas à miss Nipper qu’il ne pouvait deviner où l’on plaçait les publications ; mais cette demoiselle, scandalisée, se contenta pour toute réponse de secouer la tête et de froncer le sourcil, repoussant pour le moment toute distraction mondaine.

M. Toots cependant, incapable de détourner ses pensées des publications, ne fit évidemment que les chercher des yeux pendant toute la première partie du service. Comme le moment du prône approchait, le pauvre gentleman manifesta une agitation, un trouble, que l’arrivée inattendue du capitaine Cuttle, qui alla se placer au premier rang d’une tribune, n’était pas de nature à pouvoir diminuer. Quand le clerc présenta au prêtre une liste, M. Toots, qui était alors assis, s’appuya sur le dossier du banc ; mais quand on lut tout haut les noms de Walter Gay et de Florence Dombey, en annonçant que c’était la troisième et dernière publication, il fut si peu maître de son émotion, qu’il s’élança sans chapeau hors de l’église, suivi par le bedeau, l’ouvreuse de bancs et deux médecins qui se trouvaient présents. Le bedeau revint bientôt dire tout bas à miss Nipper qu’elle n’avait pas à s’inquiéter pour le gentleman, qui avait assuré que son indisposition était sans conséquence et que ça ne faisait rien.

  1. Les noces de Cock Robin sont le sujet d’une chanson populaire du premier âge. Tous les animaux y jouent un rôle, celui du taureau est de sonner les cloches.