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entendant cela, parla de Mme Richard, qu’elle avait auparavant proposée au capitaine. Florence en fut tout heureuse. Suzanne partit dans la même journée pour le domicile des Toodle, afin de sonder Mme Richard ; et le soir même elle revint en triomphe accompagnée de cette même Polly aux joues fraîches et rebondies, et dont les démonstrations de joie à la vue de Florence furent presque aussi expansives que celles de Suzanne elle-même.

Cette négociation politique terminée, à la grande satisfaction du capitaine, qui ne manquait pas d’en exprimer beaucoup pour tout ce qu’il voyait en général, Florence n’avait plus qu’à préparer Suzanne à leur prochaine séparation. La tâche était beaucoup plus difficile, car miss Nipper était solide dans ses résolutions et elle s’était mis dans la tête qu’elle était revenue pour ne plus jamais quitter son ancienne maîtresse.

« Quant aux gages, chère miss Florence, j’espère bien, dit-elle, qu’il n’en sera pas question, et que vous ne me ferez pas l’injure d’en parler, car j’ai mis de l’argent de côté et je ne vendrais pas mon amour et mes services dans un moment comme celui-ci, quand même la caisse d’épargne et moi nous n’aurions plus rien à démêler ensemble et en dépit des faillites de toutes les banques réunies. Mais voyez-vous, ma jeune maîtresse, vous ne m’avez jamais quittée depuis la mort de votre pauvre et bonne mère, et bien que je ne vaille pas grand’chose, vous êtes habituée à moi, ô ma chère maîtresse ! depuis tant d’années, qu’il ne faut pas songer à partir sans moi : ça ne doit pas, ça ne peut pas être.

— Chère Suzanne, je pars pour un bien long voyage.

— Eh bien ! miss Florence, qu’est-ce que cela fait ? vous n’en aurez que plus besoin de moi. Les longs voyages ne sont pas un obstacle à mes yeux, Dieu merci ! dit l’impétueuse Nipper.

— Mais, Suzanne, je pars avec Walter, j’irai n’importe où, partout avec lui ! Walter est pauvre et je le suis aussi, et il faut que j’apprenne maintenant à me servir et à le servir moi-même.

— Chère miss Florence ! s’écria Suzanne en éclatant de nouveau et en secouant violemment la tête, ce n’est pas chose nouvelle pour vous de vous servir et de servir les autres avec une patience, un dévouement et un cœur !… Mais laissez-moi parler à M. Walter Gay et arranger cela avec lui, car je ne