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visage dans l’eau, sans pouvoir se rafraîchir, mit en toute hâte ses vêtements, paya ce qu’il devait et sortit.

L’air froid et humide le saisit. Il y avait une épaisse rosée ; en sortant il suait, il sentit un frisson. Après avoir jeté un coup d’œil à l’endroit où il s’était promené la nuit précédente, après avoir regardé les signaux de nuit, dont la lumière désormais inutile pâlissait devant la clarté du jour, il se tourna du côté où le soleil se levait et le vit dans sa gloire éclairer ce tableau de ses rayons brillants.

Il était si terrible, si admirable, si imposant dans sa beauté divine ! En le regardant de ses yeux fatigués se lever tranquille et pur, sans que le mal et le crime sur lesquels, depuis le commencement du monde, il avait laissé tomber ses rayons, puissent le détourner de sa route, qui peut dire s’il ne ressentit pas au dedans de lui-même un je ne sais quoi qui lui parla de la vertu sur la terre et de la récompense qui l’attend dans le ciel : qui peut dire s’il ne se rappela pas à ce moment son frère ou sa sœur, avec un sentiment de tendresse et de remords !

Il était temps : la mort le menaçait de près ; il était effacé du livre de ce monde, il avait déjà un pied dans la tombe.

Il paya le prix de sa place pour l’endroit où il voulait se rendre. Il se promena ensuite de long en large regardant les lignes de fer qui traversaient la vallée dans un sens, et de l’autre allaient gagner une voûte ténébreuse tout près de là. En revenant sur ses pas, après s’être arrêté au bout de l’embarcadère où il se promenait, il vit sortir d’une porte par laquelle il était entré lui-même, l’homme qu’il avait fui : leurs yeux se rencontrèrent.

Dans la terreur de sa surprise, il chancela et glissa sur la voie ferrée. Mais se relevant aussitôt, il recule d’un pas ou deux sur la route pour mettre entre eux un plus grand espace : il regarde l’homme qui le poursuit ; sa respiration est courte et oppressée.

Il entend un coup de sifflet, puis un second ; il voit la figure de son ennemi changer d’expression ; ce n’est plus la colère, c’est l’effroi, la terreur ; il sent la terre trembler ; il reconnaît le grondement sourd, qui tant de fois a retenti à ses oreilles, pousse un cri, regarde autour de lui : les deux yeux rouges, troubles et sombres à la clarté du jour, sont sur lui. Il est renversé, entraîné, roulé par la roue dentelée qui le déchire et le broie comme une meule, et, dans sa soif ardente, se désaltère de son sang, jetant aux vents ses membres mutilés.