tait que le sol tremblait, qu’un sourd mugissement vibrait à ses oreilles, il se levait, courait à la fenêtre pour voir, autant qu’il le pouvait de son lit, la sombre lumière se changer en deux yeux rouges, le feu ardent, les charbons enflammés qui tombaient, le grondement sourd du monstre à son rapide passage et les traces de lumière et de fumée qu’il laissait dans la vallée ; puis il regardait dans la direction qu’il voulait prendre le lendemain au lever du soleil, car il n’y avait pas de repos pour lui dans cet endroit. Il se recouchait pour se livrer de nouveau aux hallucinations de son voyage, et ses oreilles entendaient encore le bruit monotone des grelots, des roues et des sabots des chevaux, jusqu’à ce qu’il fût réveillé par un autre train qui arrivait. Ce trouble dura toute la nuit. Loin de reprendre ses esprits, il tomba de plus en plus dans l’abattement, à mesure que la nuit s’écoulait. Lorsque l’aurore parut, il était toujours tourmenté par ses pensées ; toujours il ajournait ses réflexions jusqu’à ce qu’il se sentît mieux : les choses passées, présentes et futures se confondaient dans son imagination ; il n’avait plus la force de s’arrêter à aucune.
« À quelle heure passe le train qui doit m’emmener ? demanda-t-il au domestique de la veille qui entra une lumière à la main.
— À quatre heures un quart, monsieur. Le train express passe à quatre heures ; vous n’avez pas de temps à perdre. »
Il passa sa main sur son front brûlant et regarda à sa montre : trois heures et demie à peu près.
« Personne ne part avec vous probablement, monsieur, dit le garçon. Il y a ici deux messieurs, mais ils attendent le train pour Londres.
— Je croyais que vous m’aviez dit qu’il n’y avait personne ici ? dit Carker en lui adressant le sourire satanique qui l’accompagnait toujours dans ses moments de colère ou de défiance.
— En effet, monsieur, ils n’étaient pas encore arrivés. Ils sont venus dans la nuit par le train omnibus qui s’arrête ici. Monsieur veut-il de l’eau chaude ?
— Non. Emportez la chandelle, il fait assez jour pour moi. »
Comme il s’était jeté sur le lit à moitié habillé, il était déjà à la croisée quand le domestique sortit. La froide clarté du matin avait succédé à la nuit, et déjà, dans le ciel, des teintes rouges annonçaient le lever du soleil. Il se baigna la tête et le