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tranquille les eaux sales du fleuve entre deux courants tumultueux de vie et de mouvement.

Vision continue, irrésistible, de ponts, de quais, de rues sans fin, de cabarets, de porteurs d’eau, de rassemblements, de soldats, de cochers, de tambours, de longues arcades ! Le bruit monotone des grelots, des roues, des sabots des chevaux se perdait enfin dans le tourbillon universel de tous les bruits divers. Échappé bientôt de ce brouhaha de la grande ville, assis dans une nouvelle voiture, il sort par une autre barrière que celle par laquelle il était entré ; et, peu à peu, à mesure qu’il approche des côtes, revient le bruit monotone des grelots, des roues et des sabots des chevaux, toujours sans trêve ni repos.

Encore un lever de l’aurore, encore un coucher du soleil. Encore de longues routes, encore une pleine nuit avec les faibles lumières derrière les croisées le long du chemin. Et toujours le même bruit monotone des grelots, des roues, des sabots des chevaux, sans trêve ni repos. Et puis l’aube, le point du jour, le lever du soleil. Il se sent alors monter au pas jusqu’au haut de la montagne, où il respire l’air frais de la mer ; il voit les rayons du matin colorer au loin les vagues. Il entre dans le port, en pleine marée, il voit sur l’eau les bateaux de pêcheurs et les figures joyeuses des femmes et des enfants qui les attendent sur la jetée ; il voit les filets, les vêtements des matelots étendus au soleil sur le rivage ; les marins affairés, grimper en criant au haut des mâts et des cordages ; il voit l’élasticité transparente de l’eau, toute la nature illuminée, éblouissante.

Il quitte le rivage, et, du tillac, il tourne la tête pour le regarder, quand le brouillard naissant laisse çà et là un petit espace de terre brillante sur lequel se joue un rayon de lumière. Il sent le balancement des vagues qui murmurent autour de lui. Il voit une autre ligne grise sur l’Océan, dans la direction du navire, devenir de plus en plus brillante et s’élever peu à peu. Et puis ce sont des rochers, des habitations, un moulin à vent, une église qui se dessinent à l’horizon ; et puis il se sent naviguer sur l’eau douce et porter vers un endroit où une foule de gens s’empressent de venir saluer le retour de leurs amis. Il débarque, se glisse précipitamment au milieu d’eux, évitant tout le monde : enfin il a touché le sol de l’Angleterre !

Il avait songé, dans son rêve, à se retirer dans une cam-