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Il s’appuya le dos contre la porte d’entrée, car il la vit faire un mouvement, et s’imagina qu’elle allait lui échapper. Mais en un clin d’œil, elle ouvrit l’autre vis-à-vis (c’était celle de sa chambre à coucher) et la referma derrière elle.

Une fois délivré de la fascination de ce regard implacable, il crut qu’il pouvait lutter avec elle. Il pensa qu’une terreur soudaine, produite par ce bruit nocturne, s’était emparée d’elle. Ce n’était pas invraisemblable, si l’on songe à sa position équivoque. Ouvrant violemment toutes les portes, il la suivit presque aussitôt.

Mais la chambre était sombre ; et comme Edith ne répondait pas à son appel, il fut forcé de retourner chercher la lampe. Il la souleva pour regarder tout autour de lui, chercha partout, s’attendant à la voir accroupie dans un coin. Mais la chambre était vide. Le salon, la salle à manger qu’il visita successivement, du pas incertain d’un homme qui ne connaît pas les êtres, étaient vides aussi. Ses yeux effrayés regardaient partout, fouillaient derrière les paravents et les sofas ; mais elle n’y était pas. Non, elle n’était pas non plus dans l’antichambre ; il lui suffit d’un coup d’œil pour s’en assurer.

Pendant tout ce temps, les coups de sonnette se répétaient et les gens du dehors frappaient à la porte. Il posa sa lampe par terre à une petite distance et s’approcha pour écouter. Plusieurs personnes causaient ensemble ; deux au moins parlaient anglais ; et, quoique la porte fût massive et qu’on fît grand bruit, il reconnut aussitôt l’une des deux voix.

Il reprit sa lampe, repassa par toutes les pièces, s’arrêtant chaque fois qu’il en quittait une, pour lever sa lampe au-dessus de sa tête et regarder s’il ne la verrait pas. Il était dans la chambre à coucher, quand la porte qui conduisait au petit couloir frappa sa vue. Il s’en approcha et vit qu’elle était fermée en dehors. Edith avait seulement laissé tomber un voile en passant par là et l’avait pris dans la porte.

Cependant on sonnait toujours à la porte de l’escalier et l’on frappait des pieds et des mains.

Il n’était pas poltron ; mais le bruit qu’il entendait, la scène qui venait de se passer, ces chambres qu’il ne connaissait pas et au milieu desquelles il s’était perdu en revenant de l’antichambre, ses plans déjoués (chose étrange à dire ! il aurait été plus brave si ses plans avaient réussi), cette heure avancée de la nuit, l’impossibilité de trouver un refuge près d’un