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Mlle Carker, éclatant en sanglots, lui avait pris les deux mains, en lui disant : « Oh ! mon cher Perch ! quelle consolation pour moi que de vous voir ! » et aussi comment M. John Carker lui avait dit d’un ton de voix terrible : « Perch, je le renie. Ne me parlez jamais de lui comme de mon frère. »

« Cher John, dit Henriette quand ils furent seuls et après quelques instants de profond silence, il y a de mauvaises nouvelles dans cette lettre ?

— Oui. Mais c’était prévu. J’ai vu hier celui qui l’a écrite.

— Celui qui l’a écrite ?

— M. Dombey. Il a traversé deux fois le bureau pendant que j’y étais. J’aurais pu éviter la chose, peut-être, mais pas longtemps. Je comprends combien il était naturel que ma présence l’offusquât ; je le sentais moi-même.

— Il ne vous en a pas parlé ?

— Non ! il ne m’a rien dit ; mais j’ai vu son regard s’arrêter sur moi un instant ; et, depuis lors, je m’attendais à ce qui m’arriverait, à ce qui m’est arrivé. Il me remercie. »

Henriette fit tout ce qu’elle put pour ne pas laisser paraître trop d’émotion, trop de désespoir ; cependant c’était une triste nouvelle pour bien des raisons.

« Je n’ai pas besoin de vous dire, »

dit John Carker, lisant tout haut la lettre,

« pourquoi maintenant votre nom, malgré la position subalterne que vous occupez chez moi, serait désagréable à mon oreille, et combien je souffrirais d’avoir, tous les jours, sous les yeux une personne qui le porte. À dater de ce jour, vous ne ferez plus partie de la maison, et je vous invite à ne chercher en aucune façon à renouer des rapports avec moi ou avec mes employés. »

« À cette lettre est jointe une somme qui paye et au delà mes appointements. C’est mon congé définitif. Dieu sait, Henriette, que nous devons trouver ce congé bien doux et bien poli après tout ce qui s’est passé.

— Sans doute, s’il est doux et poli de vous punir, John pour les méfaits d’un autre, répondit-elle avec bonté.

— Nous sommes pour lui une race maudite, dit John Carker ; il a raison de vouloir se débarrasser de l’importunité de notre nom et de croire que le sang qui coule dans nos veines est un sang vicieux et corrompu. Je le croirais aussi, moi, si vous n’étiez pas ma sœur, chère Henriette.

— Frère, ne parlez pas ainsi. Si comme vous le dites, et