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pondit Robin tout effrayé. Car je viendrais bien pour vous seule, m’am Brown, vrai comme je vous le dis ! Ne vous remettez pas encore en colère, pour l’amour du bon Dieu !

— Ah ! il ne m’aime pas comme je l’aime, s’écria Mme Brown en levant ses mains décharnées. Mais ça n’empêche pas que je prendrai soin de son oiseau.

— Prenez-en bien soin, savez-vous, m’am Brown, dit Robin en secouant la tête, car s’il vous arrivait seulement de le caresser à rebrousse-poil, je crois qu’on s’en apercevrait.

— Ah ! il est si fin que ça, dit Mme Brown vivement.

— Fin ! m’am Brown, répéta Robin, lui ! mais motus ! il ne faut pas parler de ça ! »

Il s’arrêta court et remplit de nouveau son verre qu’il vida lentement, non sans avoir promené un regard d’effroi tout autour de la chambre. Puis, il secoua la tête et commença à passer ses doigts à travers les barreaux de la cage du perroquet pour faire diversion au dangereux sujet de conversation qu’on venait d’effleurer.

La vieille le regarda d’un air rusé, traîna sa chaise près de lui, contempla le perroquet qui descendait, à sa voix, de son dôme doré, et elle dit au Rémouleur :

« Te voilà sans place maintenant, Robinet ?

— Qu’est-ce que ça vous fait, m’am Brown ? répondit sèchement le Rémouleur.

— Après ça, on te paye peut-être ta nourriture ? Robin, dit Mme Brown.

— Viens ! mon petit coco ! » dit le Rémouleur.

La vieille lui lança un regard qui aurait pu le faire trembler pour ses oreilles ; mais comme il ne voulait paraître occupé que du perroquet, ses yeux ne virent pas l’expression menaçante de cette figure que son imagination lui représentait trop bien.

« Ça m’étonne, Robin, que ton maître ne t’ait pas emmené avec lui, » dit la vieille en le cajolant, avec un sourire de plus en plus rusé.

Robin était si absorbé par la contemplation du perroquet et si occupé à fourrer son doigt à travers les barreaux de la cage, qu’il ne répondit pas.

La vieille tenait sa griffe à portée des cheveux de Robin, qui se penchait sur la table ; mais elle se contint et dit d’une voix étouffée qu’elle s’efforçait de rendre calme :

Robinet, mon chéri