Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup, car elle craint que la confiance de son mari dans la fidélité du sexe ne soit de plus en plus ébranlée et qu’il ne s’attende, en rentrant le soir, à la trouver partie avec un vicomte.

Les domestiques de M. Dombey sont aussi complétement détraqués et incapables de faire leur service. Tous les soirs au souper, ils en parlent devant leurs verres tout fumant de vin chaud. M. Towlinson est toujours en train vers les dix heures et demie : « Faites-moi donc le plaisir de me dire, répète-t-il souvent, si je ne vous ai pas prévenu qu’il ne pouvait jamais rien résulter de bon de demeurer à un coin de rue. » On parle tout bas de Florence : où est-elle ? on est d’accord que M. Dombey n’en sait rien, mais que Mme Dombey le sait, elle. On est mené naturellement à parler de Mme Dombey. Elle avait tout de même une belle prestance, dit la cuisinière, n’est-ce pas ? Mais elle était trop haute. Oui, elle était trop haute, répond l’assemblée d’un commun accord. L’ancienne passion de Towlinson, la bonne de la maison, qui continue à marcher dans le sentier de la vertu ajoute : « Qu’on vienne encore, après cela, me parler de ces gens qui lèvent la tête si haut, comme si la terre n’était pas digne de les porter. »

Tout ce qui se dit, tout ce qui se fait ce jour là se dit et se fait en compagnie. C’est un chorus général. Il n’y manque que M. Dombey. Mais M. Dombey est seul de son côté et le monde de l’autre.



CHAPITRE XIV.

Renseignements mystérieux.


La bonne Mme Brown et sa fille Alice étaient silencieuses dans leur chambre. C’était au commencement de la soirée dans les derniers jours du printemps. Il y avait déjà quelques jours que M. Dombey avait parlé au major Bagstock des singuliers renseignements qu’il avait obtenus d’une façon plus singulière encore, renseignements qui pouvaient être vrais ou sans fondement : le monde n’avait pas encore obtenu la satisfaction désirée.

La mère et la fille étaient assises depuis longtemps, sans