Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je l’ignore.

— Vous n’avez aucun indice ? demanda le major.

— Si.

— Dombey, je suis heureux de l’apprendre, dit le major. Je vous en félicite.

— Vous me pardonnerez, messieurs, vous me pardonnerez, n’est-ce pas, major, répond M. Dombey, si je n’entre pas en ce moment dans de plus grands détails. Les indices que j’ai sont d’une nature singulière, et je les ai obtenus d’une manière singulière aussi. Peut-être se trouveront-ils faux, peut-être se trouveront-ils vrais. Je ne saurais le dire en ce moment, et j’arrêterai là mes explications. »

Quoique cette réponse fût assez sèche auprès de l’enthousiasme chaleureux du major, celui-ci la reçut de fort bonne grâce, heureux de penser, disait-il, que le monde avait l’espérance d’une satisfaction pleine et entière. Le cousin Feenix est ensuite gratifié d’un gracieux salut par le mari de sa charmante et distinguée parente, et le cousin Feenix et le major Bagstock se retirent. Ils laissent le mari, toujours avec le monde, réfléchir à loisir sur ce qu’ils lui ont dit, sur ce que le monde pense de sa position, sur ce qu’il a droit d’attendre de lui.

Mais qui donc est assis dans la lingerie, versant des larmes abondantes, et parlant à voix basse à Mme Pipchin en levant les mains au ciel ? C’est une dame, la figure cachée sous un chapeau noir bien fermé qui semble n’avoir pas été fait pour elle. C’est miss Tox, qui a emprunté ce costume à sa servante, et qui est venue en cachette de la place de la Princesse, pour renouer connaissance avec Mme Pipchin, et se procurer ainsi les détails les plus exacts sur l’état de M. Dombey.

« Comment supporte-t-il ce coup affreux, ma chère bonne ? demanda miss Tox.

— Bien ! dit Mme Pipchin de sa voix aigre. Il va aussi bien que d’habitude.

— Oui ! pour l’extérieur, dit miss Tox ; mais, à l’intérieur, quel rude coup ! »

L’œil gris de Mme Pipchin se fixe sur miss Tox d’un air incertain pendant qu’elle répond, avec trois pauses bien marquées :

« Ah ! — C’est possible ! — Je le suppose. — À vous dire ma façon de penser, Lucrèce, continue Mme Pipchin qui appelle encore miss Tox de son petit nom, en souvenir des expériences