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moyens et l’espoir de vous rendre un jour une position à peu près égale à celle que vous aviez, je vous aurais dit : Il y a un nom que vous pouvez me donner, et avec lui le privilége de vous protéger, de vous chérir ; et j’aurais essayé de le mériter à force d’amour, de respect, de dévouement sans bornes pour vous. Je vous aurais dit que c’était le seul titre que vous pouviez me donner pour vous protéger et pour vous défendre, le seul que je pusse accepter et proclamer ; mais que si vous m’accordiez ce droit, je le regarderais comme un bien si précieux, si inestimable, que la fidélité et le dévouement de ma vie entière ne suffiraient pas à le payer. »

La tête de Florence était penchée, ses larmes coulaient et les sanglots soulevaient sa poitrine.

« Chère Florence ! ô ma bien-aimée ! comme je vous appelais dans mes rêves avant d’avoir pu réfléchir à ma présomption et à ma folie ! Laissez-moi une dernière fois vous appeler de ce nom chéri, laissez-moi serrer encore une fois cette douce main ; ma sœur me prouvera ainsi qu’elle oublie tout ce que je viens de lui dire. »

Elle releva la tête, et en s’adressant à lui ses yeux avaient une expression si douce et si grave à la fois ; elle le regardait à travers ses larmes avec un sourire si calme, si pur, si innocent ; il y avait dans sa voix et dans tout son être un tremblement si sympathique, qu’il sentit les fibres de son cœur tressaillir et que ses yeux se remplirent de larmes en l’écoutant.

« Non, Walter, je ne puis l’oublier ; je ne l’oublierais pas pour tout l’or du monde. Êtes-vous… réellement pauvre ?…

— J’erre sur les mers, je voyage pour vivre.

— Repartez-vous bientôt, Walter ?

— Oui, bientôt. »

Elle le regarda un moment, et plaça timidement sa main tremblante dans la sienne.

« Si vous voulez de moi pour votre femme, Walter, je vous aimerai tendrement. Si vous voulez me laisser partir avec vous, Walter, je vous suivrai sans crainte jusqu’au bout du monde. Je ne renonce à rien pour vous, Walter, car je n’ai rien et je ne laisse ici personne ; mais je vous donnerai mon amour et ma vie, et à mon dernier soupir, s’il me reste encore la mémoire et le sentiment, votre nom sera sur mes lèvres quand je paraîtrai devant Dieu. »

Il l’attira sur son cœur, et appuya sa joue contre la sienne :