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chacun, c’est de mettre fin à mon existence, devenue gênante pour tout le monde. Comme je me sens donc un très-vif intérêt pour miss Dombey, j’ai pris l’habitude de donner quelque chose de temps en temps à un domestique, un jeune homme très-respectable du nom de Towlinson, qui sert dans la famille depuis longtemps ; c’est Towlinson qui m’a informé hier soir de l’état des choses. Depuis ce moment, capitaine Gills et lieutenant Walters, je suis devenu tout ce qu’il y a de plus frénétique, et je suis resté toute la nuit couché sur un sofa, dans l’état misérable ou vous me voyez.

— Monsieur Toots, dit Walter, je suis heureux de pouvoir rendre le calme à votre âme. Tranquillisez-vous donc ; miss Dombey est en sûreté et se porte bien.

— Monsieur, s’écria Toots en bondissant de dessus sa chaise et lui secouant encore les mains, si vous saviez le bien que vous me faites, c’est incroyable ; c’est au point que si vous veniez me dire maintenant que miss Dombey est mariée, je crois que je pourrais sourire. Oui, capitaine Gills, dit M. Toots en se tournant vers le capitaine, sur mon corps et sur mon âme, je crois vraiment, dussé-je avoir après les plus sinistres pensées, que je serais capable de sourire, tant je suis soulagé !

— Ce sera un bien plus grand soulagement, un bien plus grand plaisir pour une âme généreuse comme la vôtre, dit Walter se hâtant de répondre à sa politesse, de voir que vous pouvez même rendre service à Mlle Dombey. Capitaine Cuttle, voulez-vous avoir la bonté de faire monter M. Toots ? »

Le capitaine fit signe à M. Toots, qui le suivit d’un air tout effaré, et, montant jusqu’au haut de la maison, il fut introduit, sans un mot d’avertissement de la part de son guide, dans la nouvelle retraite de Florence.

L’infortuné M. Toots, en présence de la jeune fille, se sentit pénétré d’un tel sentiment de surprise et de bonheur, qu’il se livra à mille extravagances. Il courut à elle, lui saisit la main, qu’il baisa, la quitta, la ressaisit, tomba à genoux, versa des larmes, ricana, sans se préoccuper du danger qu’il courait d’être harcelé par Diogène. Celui-ci, en effet, s’était mis dans l’idée que ces démonstrations de M. Toots cachaient quelque chose de menaçant pour sa maîtresse ; aussi rôdait-il autour de son ennemi, ne sachant pas encore trop par quel côté de sa personne il commencerait l’attaque ; mais, bien résolu, dans tous les cas, à lui faire un très-mauvais parti.