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rectement par une personne tierce ? voilà ce que je ne puis m’expliquer. »

Le capitaine lui fit observer, en secouant la tête, que Jacques Bunsby lui-même n’avait pu trouver de solution à ce problème, et Dieu sait si c’était un homme capable de donner un bon petit avis. « Si mon oncle avait été un jeune étourneau à se laisser entraîner par de mauvais garnements dans quelque cabaret où on se serait débarrassé de lui pour le dévaliser, dit Walter, ou bien si ç’avait été un matelot sans cervelle qui fût descendu à terre avec deux ou trois mois de paye dans son gousset, j’aurais compris sa disparition, et je ne serais pas surpris qu’on ne pût retrouver ses traces. Mais, avec le caractère que je lui ai toujours connu et qu’il a conservé, j’espère, je ne puis pas croire ça.

— Walter, mon garçon, dit le capitaine en le regardant attentivement pendant qu’il était plongé dans ses réflexions, quelle est donc alors votre idée ?

— Capitaine Cuttle, répondit Walter, je ne sais vraiment que penser s’il est vrai qu’il n’ait jamais écrit. N’avez-vous aucun doute à ce sujet ?

— Mais, mon garçon, répondit le capitaine comme preuve irrécusable, si Sol Gills a écrit, où est son message ?

— Il peut l’avoir confié à un ami, dit Walter. Qui sait si celui-ci ne l’aura pas oublié, ou jeté dans quelque coin par négligence, ou même s’il ne l’aura pas perdu, ce qui me semble encore plus probable ? bref, je ne puis me faire à l’idée de la disparition de mon oncle, capitaine Cuttle ; non, je ne le puis pas et je ne le veux pas.

— Voilà ce que c’est que l’espérance, Walter, dit le capitaine d’un ton sentencieux ; oui, l’espérance, c’est elle qui vous donne du courage. L’espérance est une bouée ; ouvrez votre Warbler, chapitre du sentiment, et vous trouverez cela ; oui, pardieu ! mon cher garçon, l’espérance est semblable à une bouée et elle flotte comme elle, on ne peut la gouverner. Au bout de la poulaine de l’espérance, continua le capitaine, il y a une ancre, mais à quoi sert l’ancre quand on ne peut trouver le fond pour l’y fixer ? »

Le capitaine débita cette fois sa tirade, non pas de son ton naturel, mais avec la gravité d’un bon bourgeois, d’un homme établi, qui croit devoir en conscience donner à un jeune homme novice et sans expérience un petit échantillon de sa