Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vert en présence de l’inspiré Bunsby) : « Si vous n’entendez pas parler de moi, avant d’ouvrir ce testament, vous pourrez me considérer comme mort. » Le ciel nous en préserve ! Mais vous auriez entendu parler de lui, lors même qu’il serait mort. Quelqu’un vous aurait écrit, sûrement, suivant ses dernières volontés, si lui-même ne l’avait pu faire. Vous auriez reçu une lettre qui vous aurait dit : Tel jour, est décédé chez moi, ou bien sous ma garde, etc., M. Solomon Gills, de Londres, qui m’a laissé pour vous ce dernier souvenir et ces dernières volontés. »

Le capitaine, aux yeux duquel les choses n’avaient jamais jusqu’ici pris un caractère aussi frappant de probabilité, fut vivement impressionné par le raisonnement de Walter, qui lui élargissait singulièrement l’horizon : il lui répondit en remuant la tête et d’un air profondément réfléchi :

« Bravo, mon garçon, très-bien parlé ! »

Walter rougit et continua :

« J’ai pensé à cela, ou du moins j’ai pensé à cela et à autre chose, pendant une longue nuit sans sommeil, et je ne puis m’empêcher de croire, capitaine Cuttle, que mon oncle Sol (Dieu m’entende !) est encore en vie et qu’il reviendra. Je ne m’étonne pas trop de son départ, et en voici la raison : sans parler de l’amour du merveilleux qui a toujours fait le fond de son caractère, ni de sa vive affection pour moi, qui a été pour lui la première de toutes les considérations, personne ne le sait mieux que moi, qui ai trouvé en lui le meilleur des pères. (Ici la voix de Walter trembla d’émotion ; il détourna ses yeux qu’il dirigea du côté de la rue). Sans parler, dis-je, de toutes ces raisons qui expliqueraient suffisamment le parti qu’il a pu prendre, j’ai souvent lu et entendu raconter des histoires de gens, qui, ayant de proches parents en mer, et les supposant victimes de quelque naufrage, sont partis à leur recherche, décidés à vivre sur la partie du littoral où l’on pouvait espérer de trouver quelques nouvelles du navire perdu ; ne fût-ce qu’une heure ou deux plutôt qu’ailleurs, c’était toujours ça : ou bien encore ils suivaient le sillage du navire, se dirigeant vers l’endroit de sa destination, comme s’il suffisait de prendre la même route pour en avoir des nouvelles. Je crois que j’en aurais fait autant, moi, comme un autre, moi, plus que beaucoup d’autres peut-être. Mais pourquoi mon oncle ne vous a-t-il pas écrit ses intentions si manifestes ? ou comment peut-il être mort en pays étranger sans vous le faire savoir indi-