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marine d’être réintégré dans son poste d’observation ; enfin, on pouvait maintenant ouvrir la boutique, ce qui n’était pas sans importance (quoique le capitaine ne s’en préoccupât pas beaucoup), car la veille le quartier avait été mis en émoi par la fermeture inaccoutumée du magasin. Jamais la maison de l’opticien n’avait eu le privilége d’attirer à ce point l’attention du public ; et, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, l’autre côté de la rue était encombré par une foule de badauds avides qui regardaient bouche béante. Il y avait là un tas de fainéants et de vagabonds qui s’intéressaient d’une façon toute particulière au malheureux sort du capitaine : les pieds continuellement dans la boue et l’œil braqué sur la grille du soupirail de la cave, les uns se repaissaient déjà de la douce espérance qu’ils allaient apercevoir un pan d’habit de l’infortuné capitaine, pendu dans quelque coin.

Vous vous trompez, disaient les autres, qui avaient meilleure opinion de ses sentiments, vous ne savez ce que vous dites, il a été tout simplement assassiné dans l’escalier à coups de marteau. »

Aussi quel désappointement, lorsque le lendemain de bonne heure on vit la malheureuse victime à la porte de sa boutique, aussi bien portante, aussi robuste que si de rien n’était ! quel contre-temps même pour le commissaire de police du quartier, un homme qui aimait à faire parler de lui, et qui avait espéré assister à l’ouverture de la boutique, au nom de la loi, pour avoir ensuite l’honneur d’aller déposer en grand uniforme devant le coroner ! Dans sa contrariété, il alla jusqu’à dire au voisin d’en face que le gaillard au chapeau de toile cirée aurait mieux fait de se tenir tranquille, sans s’expliquer davantage sur ses méfaits.

« Mais, ajoutait-il, qu’il se tienne bien ; foi de commissaire de police, je vais avoir l’œil sur lui. »

« Capitaine Cuttle, dit Walter d’un air soucieux en regardant son ancienne rue, pendant qu’ils se reposaient sur le pas de la porte, des fatigues de l’emménagement, car il était encore de bon matin, pas de nouvelles de l’oncle Sol ?

— Pas de nouvelles, mon garçon, répondit le capitaine en secouant la tête.

— Il est allé à ma recherche, ce cher et bon vieillard, dit Walter, et il ne vous a jamais écrit ? Mais pourquoi ne pas avoir écrit ? Il dit, en effet, dans ce papier que vous m’avez donné (et il tira de sa poche le fameux écrit qui avait été ou-