Le tendre souvenir de la voix mourante, qui avait prononcé ces paroles, traversa son âme comme un son mélodieux qui se fait entendre pendant la nuit. « Oh ! soyez le bienvenu dans la maison, cher Walter ! Soyez le bienvenu pour ce cœur brisé. » Voilà ce que pensait Florence, sans pouvoir desserrer les lèvres et en le tenant innocemment enlacé dans ses bras.
Le capitaine Cuttle, dans un accès d’émotion, essaya de s’essuyer la tête avec la rôtie toute noire qu’il avait au bout de son croc ; mais la trouvant trop dure pour cet usage, il la mit dans son chapeau de toile cirée, dont il se coiffa avec quelque difficulté, entonna un vers de la chanson de l’aimable Suzon, s’arrêta court au premier mot, se retira dans la boutique, le teint rouge, la figure encore humide, son col de chemise tout chiffonné, et revint bientôt tout exprès pour dire :
« Walter, mon garçon, voici quelques objets dont je désire vous faire présent conjointement. »
Le capitaine tira promptement sa grosse montre, les cuillers à thé, les pinces à sucre et la boîte de fer-blanc. Puis de sa large main, il balaya le tout dans le chapeau de Walter. Mais au moment où il présenta à son ami ce singulier coffre-fort, il se sentit si attendri qu’il se vit forcé de se retirer encore une fois dans la boutique où il prolongea son absence plus longtemps qu’il ne l’avait fait tout à l’heure.
Walter revint le chercher pour le ramener ; alors le capitaine eut un autre souci ; il se mit à craindre que ce retour soudain ne fût un nouveau coup pour Florence. Sous l’empire de cette inquiétude, il voulut couper court au sentiment, et, faisant un appel à la raison, il interdit formellement de faire la moindre allusion aux aventures de Walter pendant quelques jours. Et, pour donner l’exemple, il commença par devenir assez maître de lui pour se souvenir de la tartine qu’il avait dans son chapeau et pour prendre un bol de thé. Mais, sentant d’un côté la main de Walter lui serrer l’épaule, et de l’autre voyant Florence verser des larmes d’attendrissement le philosophe improvisé n’y pouvant plus tenir s’élança subitement dans la boutique et ne revint qu’au bout de dix bonnes minutes.
Jamais de sa vie sa figure n’avait été si brillante ni si radieuse, que, lorsque enfin, assis irrévocablement devant sa tasse de thé, il promena ses regards de Florence à Walter et de Walter à Florence. Il ne faut pas croire que cet éclat de son visage fût l’effet du frottement de sa manche qu’il avait