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— Furent-ils sauvés ? s’écria Florence.

— Pendant bien des jours et bien des nuits, ils allèrent ainsi sur la mer sans fin, dit le capitaine, jusqu’à ce que… non, ne regardez pas de ce côté, mignonne ! jusqu’à ce qu’enfin un navire avança sur eux et les prit à bord, par la grâce de Dieu, deux vivant encore, l’autre mort !

— Qui était mort ? s’écria Florence.

— Ce n’était pas le brave garçon dont je parle, dit le capitaine.

— Oh ! merci ! merci !

— Ainsi soit-il ! répondit le capitaine vivement. Ne vous laissez pas aller à la dérive ! Encore un instant, ma charmante. Allons ! du courage ! À bord de ce navire, ils traversèrent toute la carte, ma chère, car il n’y avait pas moyen d’aborder nulle part, et, dans ce voyage, le matelot qu’on avait sauvé avec lui mourut ; mais lui fut épargné et… »

Le capitaine, sans savoir ce qu’il faisait, avait coupé une tartine de pain et l’avait mise à son croc qui lui servait habituellement de rôtissoire. Il la tenait en ce moment devant le feu, et, regardant derrière lui Florence avec une vive émotion, il laissa le pain brûler, et prendre feu comme une allumette.

« Il fut épargné, répéta Florence, et… ?

— Et il est revenu dans sa terre natale, porté sur ce débris de navire, dit le capitaine, regardant toujours dans la même direction et… ne craignez rien, ma petite… et il aborda. Un matin, il s’approcha tout doucement de la porte de sa demeure pour regarder dans l’intérieur, sachant que ses amis croyaient qu’il était noyé, quand il se sauva en entendant…

— En entendant l’aboiement inattendu d’un chien, s’écria vivement Florence.

— Oui ! vociféra le capitaine. Droit, ma chérie, courage ! Ne regardez pas encore derrière vous, regardez là sur la muraille. »

Sur la muraille tout près d’elle était l’ombre d’un homme. Elle tressaille, regarde, jette un cri perçant… Walter Gay était derrière elle.

Aussitôt, sans autre pensée que celle d’une sœur qui retrouve son frère, un frère sauvé de la tombe, un frère qui vient d’échapper au naufrage et qu’elle revoit à ses côtés, elle s’élança dans ses bras. Dans tout le monde entier Walter semblait être pour elle son unique espoir, sa consolation, son refuge, son protecteur naturel. Prenez soin de Walter, car j’aimais Walter.