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brave, ma mignonne. Mais d’un seul coup de vent les parois furent enfoncées, les mâts et le gouvernail emportés, les meilleurs matelots balayés par les flots, et le navire livré à la merci des vents qui soufflaient de plus en plus fort, tandis que les vagues passaient par-dessus, l’enfonçaient dans les eaux et, arrivant à tous moments sur lui en mugissant, le broyèrent comme une coquille. Chaque petite tache noire que l’on voyait sur ces montagnes d’eau en fureur était un débris du navire ou le corps d’un naufragé. Pauvre navire ! il fut mis en pièces, ma belle, et le gazon ne recouvrira jamais les tombes de ses passagers.

— Tous ne furent pas perdus, s’écria Florence. Il y en eut de sauvés. Il y en eut un au moins !

— À bord de ce malheureux vaisseau, dit le capitaine en se levant de son siège et en agitant son bras avec exaltation, était un garçon, un brave garçon, à ce que l’on m’a dit. Il avait aimé, quand il était enfant, à lire des actes de dévouement dans les naufrages, et il en parlait sans cesse. Je l’ai entendu. Je l’ai entendu… Et il s’en souvint, à l’heure du danger, car pendant que les cœurs les plus fermes et les mieux trempés étaient abattus, lui, il restait solide et gai. Ce n’était pas faute d’avoir en terre ferme des objets de tendre affection, dont le souvenir aurait pu faire défaillir ses forces ; mais non, il était brave de nature comme un lion. Je le connaissais. J’avais bien vu cela sur son visage, quand il n’était qu’un enfant. Oui, bien des fois et quand je ne pensais qu’à sa bonne mine. Dieu le garde !

— Et fut-il sauvé, s’écria Florence, fut-il sauvé ?

— Ce brave garçon, fit le capitaine, regardez-moi, mignonne, ne regardez pas autour de vous. »

Florence eut à peine la force de redire : Pourquoi pas ?

« Parce qu’il n’y a rien là ma chère, dit le capitaine ; ne vous laissez pas aller à la dérive, charmante enfant ! non, pour l’amour de Walter, qui nous était cher à tous ! Ce brave garçon, dit le capitaine, après avoir travaillé avec les plus courageux, avoir réconforté les faibles sans se plaindre, sans avoir peur, ranimant le courage de tous côtés, au point qu’on le regardait comme un amiral… ce garçon, ce brave garçon, le second et un matelot avec lui furent les seules créatures vivantes qui échappèrent au naufrage, liés à un débris du navire et ballottés par la mer furieuse. Oui, seuls parmi tant d’hommes qui montaient le vaisseau ?