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— Cher ami, s’écria Florence en courant à lui, est-ce, vous ? » Le capitaine fut si fier d’être ainsi appelé, si heureux du bonheur qui sembla se refléter sur le visage de Florence à sa vue, qu’il lui envoya un baiser par l’intermédiaire de son croc, muet interprète de ses sentiments pour elle.

« Comment va, mon joli bijou ? dit le capitaine.

— J’ai dormi sans doute bien longtemps ? répondit Florence. Quand suis-je arrivée ici ? hier ?

— Aujourd’hui même, ma charmante, en ce bienheureux jour, répondit le capitaine.

— N’ai-je pas passé une nuit ici ? Est-ce qu’il fait encore jour ? demanda Florence.

— Voilà la nuit qui vient, ma mignonne, voyez ! » dit le capitaine, et il écarta le rideau de la croisée.

Florence et le capitaine restèrent un moment sans dire un mot, éclairés tous deux par les derniers rayons du jour : Florence, triste et craintive, s’appuyait sur le bras du capitaine : le capitaine, de son côté, avec ses traits rudes et sa figure hâlée, fier de sa protégée, se tenait auprès d’elle à la lueur rosée du ciel ; les formes de langage qu’il aurait pu employer pour peindre ce qu’il ressentait, eussent été peut-être assez étranges s’il avait eu à exprimer ses sentiments ; mais, son cœur lui disait aussi éloquemment que possible que, dans le calme du soir et dans la magnificence du soleil couchant, il avait quelque chose qui devait faire déborder le cœur de Florence, et qu’il valait mieux la laisser pleurer à son aise. Il ne prononça donc pas une parole. Mais, quand il sentit le bras de la jeune fille se serrer contre le sien, qu’il sentit la tête de l’enfant abandonnée se rapprocher de lui et s’appuyer sur la grossière étoffe de son habit, il serra ce bras dans sa rude main ; il la comprit et elle le comprit aussi.

« Cela va mieux maintenant, ma mignonne ! dit le capitaine. Allons ! gaiement, gaiement. Je vais descendre préparer quelle chose pour le dîner. Descendrez-vous toute seule après : mignonne ? ou faudra-t-il qu’Édouard Cuttle vienne vous chercher ? »

Florence l’assura qu’elle était tout à fait en état de descendre l’escalier, et le capitaine, se demandant avec inquiétude s’il observait bien en cela les lois de l’hospitalité, la laissa libre cependant, descendit aussitôt et se mit en devoir de faire rôtir un poulet devant le feu de la petite salle à manger. Pour être plus à même de mener à bien ses fonctions culinaires, il ôta