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vité qui se montrait dans ses traits leur était si peu familière et leur communiquait un changement tellement à leur avantage, qu’une préparation chimique n’aurait pas opéré une plus belle métamorphose.

Il frappa tout doucement avec son croc deux ou trois fois à la porte de Florence ; mais ne recevant pas de réponse, il se hasarda d’abord à jeter un coup d’œil dans l’intérieur et ensuite à entrer. Ce qui l’enhardit sans doute dans cette détermination, ce furent les amitiés que lui fit Diogène. Couché tout de son long par terre auprès du lit, il remua la queue et cligna des yeux à la vue du capitaine, sans avoir la moindre envie de se relever sur ses pattes.

Elle dormait profondément et gémissait dans son sommeil. Le capitaine, avec le plus profond respect pour sa jeunesse, sa beauté et son chagrin, lui souleva la tête, étendit soigneusement sur elle la capote qui la couvrait, ferma davantage les persiennes pour qu’elle pût reposer plus tranquillement ; puis, s’étant glissé sans bruit dehors, il reprit son poste sur l’escalier. Tout cela fut fait d’une main si discrète et d’un pas si léger que Florence elle-même n’eût pas mieux fait.

Dans ce monde, où les avis sont si différents, on pourra se demander pendant longtemps quelle est la preuve la plus grande de la bonté du Tout-Puissant. Est-ce d’avoir formé des doigts délicats, bien faits pour éveiller des sentiments de tendresse et de sympathie dans les êtres qu’ils touchent et pour calmer les souffrances et les peines ? ou bien est-ce d’avoir façonné une main rude, comme celle du capitaine, mais que le cœur instruit, guide et adoucit en un instant ?

Florence dormait dans son lit, oubliant qu’elle n’avait plus d’asile ni de père, et le capitaine Cuttle veillait sur l’escalier. Un sanglot, un gémissement plus fort qu’à l’ordinaire le ramenait d’un bond à sa porte ; mais, peu à peu, elle dormit plus tranquillement, et le capitaine put continuer de monter sa faction sans être dérangé.