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Tout d’un coup, obéissant à la voix de son cœur, Florence, toujours si timide, mais si hardie dans sa fidélité pour son père malheureux, sans se laisser rebuter par le souvenir de dureté, Florence descendit à la hâte, habillée comme elle l’était. Au moment où elle déposait son flambeau, il sortait de sa chambre. Elle s’élance vers lui les bras tendus et lui crie : « Ô ! cher papa ! » comme si elle voulait lui jeter ses bras autour du cou.

Elle l’aurait embrassé. Mais celui-ci, dans sa fureur, leva son bras et la frappa cruellement au visage. Le coup fut si terrible que la pauvre enfant faillit tomber sur la dalle. En la frappant, il lui apprit ce qu’était Edith, et lui dit de la suivre, puisqu’elles s’étaient toutes les deux liguées contre lui.

Florence ne tomba pas à ses pieds. Ses mains tremblantes ne cherchèrent pas à lui dérober la vue de ce père cruel. Pas une larme, pas un mot de reproche. Mais elle le regarda, et un cri de désolation s’échappa de son cœur en le regardant. Elle le vit immoler l’idée favorite à laquelle elle s’était vouée malgré lui. Elle vit tout ce qu’il y avait de cruauté, de haine dans cet homme. Elle vit qu’elle n’avait plus de père sur la terre, et la pauvre orpheline s’enfuit de la maison de son tyran.

Elle s’enfuit de la maison. L’instant d’avant, on aurait pu la voir, la main sur le bouton de la porte, son cri de douleur sur les lèvres, devant la pâle figure de son père, plus pâle encore à la clarté douteuse des lumières blafardes et de l’aube naissante qui pénétrait par la porte. L’instant d’après, l’obscurité où était restée plongée la maison, dont les volets étaient restés fermés, bien qu’il fît jour depuis longtemps, fit place à la clarté inattendue du matin, et Florence, la tête penchée pour dérober aux yeux l’agonie de ses larmes, errait dans les rues.



CHAPITRE X.

Fuite de Florence.


Dans l’égarement de la tristesse, de la honte et de la peur, la pauvre jeune fille tout éperdue errait d’un pas précipité. C’était par une belle matinée : le soleil brillait, mais non pour