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fermée, avec son chien à côté d’elle, elle sentit encore le frisson parcourir ses membres, comme s’il y avait quelque danger caché dans l’ombre.

Elle en rêva et toute sa nuit fut agitée. S’étant levée le matin, sans avoir reposé, et toujours sous l’impression pénible de la scène qui s’était passée la veille, elle chercha encore Edith dans toutes les chambres, pendant la matinée. Mais Edith resta chez elle, et Florence ne put l’apercevoir. Ayant appris cependant que le dîner projeté par son père n’aurait pas lieu, Florence pensa que cela n’empêcherait sans doute pas Edith de sortir le soir, pour se rendre à l’invitation dont elle avait parlé. Elle résolut donc de l’attendre à ce moment pour la voir passer sur l’escalier.

Quand le soir fut venu, elle entendit de la chambre où elle était assise pour l’attendre, un pas qui lui sembla celui d’Edith. S’élançant aussitôt à sa rencontre, Florence la vit, au même instant, descendre seule.

Quels ne furent pas sa surprise et son effroi, quand, accourant tout éplorée et les bras tendus, elle la vit reculer en poussant un cri de terreur !

« Ne m’approchez pas ! s’écria-t-elle, reculez-vous, laissez-moi passer !

— Maman ! dit Florence.

— Ne m’appelez pas ainsi ! ne me parlez pas ! ne me regardez pas ! Ô Florence ! et elle recula elle-même car Florence faisait un pas vers elle. Ne me touchez pas ! »

Florence resta saisie de terreur devant ce visage effaré, devant ces yeux hagards. Elle crut voir, comme dans un rêve, Edith cacher son visage dans ses mains et glisser, avec un tremblement convulsif, le long de la muraille, en rampant devant elle comme un animal immonde, puis bondir et disparaître.

Florence tomba évanouie sur les marches, où elle fut rencontrée sans doute par Mme Pipchin, du moins elle le supposa, car elle ne se rappelait plus rien, et quand elle se réveilla, elle était étendue sur son lit ; Mme Pipchin et plusieurs servantes étaient autour d’elle.

« Où est maman ? telle fut sa première question.

— Elle est allée dîner en ville, dit Mme Pipchin.

— Et papa ?

— M. Dombey est dans sa chambre, mademoiselle, dit Mme Pipchin. Et ce que vous avez de mieux à faire, c’est de vous déshabiller et de vous coucher à l’instant. »