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mieux valu pour lui le voir frappé de mort, que de le voir assis là, drapé dans son orgueil pour l’écouter. 

« Non, madame Dombey, reprit-il, non madame, une séparation entre nous est impossible. Je vous engage donc à songer un peu à vos devoirs. Et comme je venais de vous le dire, Carker… »

M. Carker, qui était resté assis dans le plus profond silence pendant tout ce temps, leva alors ses yeux où brillait un éclat qui ne leur était pas ordinaire.

« Comme je vous le disais, reprit M. Dombey, je vous prie, Carker, maintenant que les choses en sont venues à ce point, je vous prie d’informer Mme Dombey que je n’ai pas l’habitude de me laisser gêner dans mes volontés par personne, par personne, Carker, et que je ne souffrirai pas qu’on vienne faire honneur à d’autres ici des motifs d’une obéissance qu’on me doit pour moi-même. L’allusion que l’on a faite à ma fille, la manière dont on me fait opposition en parlant de ma fille, est une révolte contre les lois de la nature. Je ne sais si ma fille s’entend avec Mme Dombey et je m’en inquiète fort peu, mais après ce qu’en a dit aujourd’hui Mme Dombey, et après ce qu’a entendu ma fille, je vous prie, Carker, de transmettre à Mme Dombey ma résolution. Si Mme Dombey continue à faire de ma maison le théâtre de contestations semblables à celle que nous venons d’entendre, c’est ma fille que j’en rendrai responsable jusqu’à un certain point ; l’aveu de Mme Dombey m’y autorise, et c’est sur elle que retombera mon mécontentement. Mme Dombey a demandé s’il ne suffisait pas qu’elle eût fait ceci, qu’elle eût fait cela ; dites-lui, je vous prie, que rien de ce qu’elle a fait ne suffit.

— Un moment ! s’écria Carker en s’interposant. Permettez ! Quelque pénible que soit ma position, et elle est bien pénible, puisque mon opinion diffère en ce moment de la vôtre, je vous demanderai si vous ne feriez pas mieux de revenir à l’idée d’une séparation. Je sais combien cela semble incompatible avec la haute position que vous occupez dans le monde, et je sais combien vos idées sont arrêtées, quand vous donnez à entendre à Mme Dombey (ici l’éclair brillant de son regard se dirigea tout entier sur elle, pendant qu’il faisait sonner, comme autant de coups de timbre, chaque syllabe de son discours perfide) que la mort, la mort seule pourra vous séparer l’un de l’autre. Mais quand vous voyez que Mme Dombey, en vivant dans cette maison, la rend, comme vous l’avez dit, le