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sortir, je ne vous interromprais pas, quand même la chambre serait en feu.

— Il est assez naturel, madame Dombey, continua-t-il, que vous ne vous trouviez pas à votre aise devant des personnes qui vous entendent adresser ces vérités désagréables, et cependant (ici il ne put retenir un sentiment de dépit ni s’empêcher de lancer un sombre regard à Florence), et cependant je ne vois pas quel autre ici peut donner plus de force et d’importance à mes observations que moi-même, le premier intéressé dans la question. Il est assez naturel qu’il vous répugne de vous entendre dire, en présence de quelqu’un, qu’il y a en vous un principe de rébellion que vous ne sauriez dompter trop tôt ; vous le dompterez, madame. Plusieurs fois, avant notre mariage, je me souviens, et je regrette de le dire, je me souviens de vous avoir vue manifester ces mauvais sentiments à l’égard de feu votre mère. Je me rappelle aussi que cette conduite produisit sur moi une fâcheuse impression. Mais enfin vous avez encore le remède entre vos mains. Je n’ai nullement oublié, quand j’ai commencé mes observations, que ma fille était présente, madame Dombey. Je vous prie de ne pas oublier, à votre tour, que demain il y aura plusieurs personnes présentes, et je vous prie, par égard pour les apparences, de ne pas oublier de recevoir votre société d’une manière convenable.

— Ainsi, dit Edith, ce n’est pas assez pour vous de savoir ce qui s’est passé entre vous et moi ; vous n’êtes pas encore satisfait, en regardant de ce côté (elle indiquait la place de M. Carker, qui écoutait en silence, les yeux baissés) de pouvoir vous rappeler tous les affronts dont vous m’avez abreuvée ; vous n’êtes pas encore satisfait, en regardant de ce côté (sa main, légèrement tremblante pour la première et unique fois, se dirigea vers Florence), de pouvoir songer à ce que vous avez fait, aux mille tourments ingénieux que vous m’avez forcé de subir chaque jour, chaque heure, toujours ; ce n’est pas assez pour vous que ce jour soit, dans toute l’année, celui qui me rappelle une lutte terrible dans laquelle je voudrais avoir succombé, lutte trop réelle et trop fondée, quoique vous, vous ne puissiez la comprendre. Pour couronner votre œuvre, vous avez la bassesse de la rendre, elle, témoin du degré d’abaissement où je suis tombée, quand vous savez que c’est vous qui m’avez fait sacrifier à sa tranquillité le seul sentiment, le seul intérêt hono-