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reaux étaient sombres et vides, que tout était fermé, M. Carker ouvrant la caisse, comme pour en faire l’autopsie, explorait les mystères des livres et des papiers avec la patience d’un anatomiste qui dissèque les nerfs et les plus petites fibres de son sujet. Perch, l’homme de peine, qui restait habituellement au bureau dans ces occasions, s’instruisait du cours de la rente, à la lumière d’une chandelle, ou ronflait devant la cheminée, au risque de tomber à tout moment, la tête la première, dans le seau à charbon. Il ne pouvait s’empêcher de payer son tribut d’admiration au zèle de M. Carker, bien que ce zèle l’empêchât de jouir du bonheur domestique. Mille fois il parla avec éloge à Mme Perch, alors nourrice de deux jumeaux, de l’habileté et de la pénétration de M. le gérant de la Cité.

L’attention scrupuleuse avec laquelle M. Carker veillait aux affaires de la maison, il l’apportait à ses affaires particulières. Quoiqu’il ne fût pas associé de la maison, distinction réservée uniquement aux héritiers du grand nom de Dombey, il avait tant pour cent sur les bénéfices ; et comme il avait toute facilité pour des placements avantageux, il était regardé, par les courtiers et les agents de change, comme un richard. On commençait même à dire, dans ce monde-là, que James Carker de chez M. Dombey épluchait déjà son actif, et qu’il faisait rentrer ses fonds, en homme qui a la vue longue ; déjà on faisait des paris, à la Bourse, sur le prochain mariage de James Carker avec une jeune veuve.

Cependant toutes les occupations de M. Carker n’empêchaient pas qu’il prît le même soin de son chef et qu’il continuât d’être toujours aussi propre, aussi luisant, aussi souple, enfin aussi chat qu’auparavant. Ce n’était donc pas précisé[ment un changement, car il restait fidèle à toutes ses habitudes : il n’avait fait que les développer. Tout ce que l’on avait pu remarquer auparavant dans sa personne, n’était pas moins remarquable maintenant ; c’était seulement sur une plus grande échelle. Chaque chose qu’il entreprenait semblait être l’objet exclusif de son attention ; preuve certaine, chez un homme aussi habile, aussi positif, qu’il poursuit un but capable de stimuler et de tenir en éveil toutes ses facultés.

Le seul véritable changement qu’on pût remarquer en lui, c’est qu’en suivant les rues à cheval, il tombait souvent dans des rêveries profondes, comme le jour où était arrivé l’accident de M. Dombey. Dans ces moments de réflexion, s’il évitait les obstacles de la route, c’était machinalement ; et, jusqu’au mo-