soumettre à son joug et sans en venir à des querelles aussi violentes. Mais, madame, vous ne connaissiez pas M. Dombey ; vous avez pu vous en assurer depuis, quand vous avez conçu cette pensée. Vous ne saviez pas combien il est exigeant et fier, ou combien, si j’ose parler ainsi, il est l’esclave de sa propre grandeur. Il marche attelé à son char de triomphe comme une bête de somme, ne s’inquiétant que de le tirer derrière lui en dépit de tous les obstacles. »
Ses dents brillaient de plaisir à cette image ridicule.
« M. Dombey, continua-t-il, est capable, en vérité, de n’avoir pas plus de considération pour vous, madame, que pour moi. La comparaison est bien forte, je le sais, mais elle est juste. M. Dombey, dans la plénitude de son pouvoir, m’a demandé d’être son intermédiaire entre vous et lui, ce sont ses propres paroles. Il sait que je ne vous suis pas agréable, et il a l’intention de faire de moi un instrument de punition pour dompter votre résistance. Il se flatte qu’un serviteur à gages comme moi est un ambassadeur que sa femme doit être humiliée de recevoir. Quand je parle de sa femme, je n’entends pas la dame accomplie à laquelle j’ai le bonheur de m’adresser en ce moment, car une pareille dame n’existe pas dans son esprit ; mais il suffit que vous soyez Mme Dombey, un autre lui-même, pour qu’il vous juge offensée par le choix d’un pareil intermédiaire entre vous. Quant à moi, vous pensez bien qu’il ne s’en inquiète guère, et qu’il ne s’imagine pas même que je puisse avoir le moindre sentiment qui me soit personnel, quand il me dit ouvertement à quel but il m’emploie ; et vous pouvez croire qu’il ne fait pas plus de cas de vos propres sentiments quand il vous impose un tel messager. Car vous n’avez pas oublié sans doute qu’il vous l’impose. »
Elle le regardait toujours avec attention ; mais il la regardait de même, et vit que cette allusion à la connaissance qu’il avait de ce qui s’était passé entre elle et son mari perçait et torturait son cœur hautain comme l’aurait fait un dard empoisonné.
« Si je vous ai rappelé tout cela, madame, ce n’est pas dans l’intention de rendre plus violente votre rupture avec M. Dombey, le ciel m’en préserve ! Quel avantage pourrais-je en tirer ? Je voulais seulement vous démontrer qu’il est impossible à M. Dombey de compter les autres pour quelque chose quand il s’agit de lui. Nous tous qui l’entourons, nous l’avons, je dois l’avouer, chacun suivant notre position, confirmé dans