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DOMBEY ET FILS.


CHAPITRE PREMIER.

Nouvelles aventures d’Édouard Cuttle,
capitaine de marine marchande.


Le temps, au pas sûr et ferme, avait marché vite. L’année pendant laquelle le vieil opticien avait désiré que son ami conservât intact le paquet accompagnant la lettre qu’il lui avait laissée était déjà presque expirée, et le capitaine Cuttle commençait à regarder, le soir, son précieux dépôt, d’un air inquiet et mystérieux.

Le capitaine, fidèle à sa parole, aurait fait sa propre autopsie pour étudier l’anatomie de son corps, plutôt que de songer à ouvrir le paquet une heure avant le terme indiqué. Il se contentait de le tirer de l’armoire, tout en fumant sa première pipe du soir, le plaçait sur la table, et restait assis près de lui, le regardant à travers les bouffées de fumée, grave et silencieux, pendant deux ou trois heures d’horloge. Quelquefois, après l’avoir contemplé ainsi pendant longtemps, le capitaine se reculait peu à peu sur sa chaise, comme pour s’éloigner du cercle de la fascination ; mais, si c’était là son dessein, il ne réussissait jamais ; car lors même qu’il finissait par se trouver adossé contre le mur de la salle à manger, le petit paquet le fascinait encore, ou bien si ses yeux, dans ses pensées fugitives, se fixaient sur le plafond ou sur le feu, l’image du petit paquet le suivait, et venait se placer adroitement au milieu des charbons ou prendre une place à sa convenance sur le plafond badigeonné.

Quant aux Délices du cœur, le capitaine conservait toujours pour elle la même tendresse et la même admiration. Mais, depuis sa dernière entrevue avec M. Carker, le capitaine commençait à se demander avec inquiétude si son intervention en faveur de son cher ami Walker et de la jeune fille avait été aussi