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cramoisie et inondée de sueur ; miss Tox le prit sur ses genoux encore tout haletant.

« Vous m’avez presque oubliée, je pense, monsieur ? dit miss Tox à M. Toodle.

— Non, madame, non, dit Toodle ; mais nous avons tous pris quelques années de plus depuis ce temps-là.

— Et comment allez-vous, monsieur ? demanda miss Tox de sa voix douce.

— Moi, je suis toujours assez gaillard, je vous remercie, répondit Toodle. Et vous, madame, comment vous sentez-vous ? Les rhumatismes ne vous tourmentent pas trop ? Quand on prend de l’âge, il faut s’attendre à ça !

— Vous êtes bien bon, dit miss Tox ; je n’en ai pas encore eu de ma vie.

— C’est de la chance, madame, répondit M. Toodle ; bien des gens à votre âge en souffrent le martyre. Je me rappelle que ma mère… »

Un coup d’œil de sa femme l’arrêta tout court, et M. Toodle ensevelit la fin de sa phrase dans un autre bol de thé.

« Serait-il possible, madame Richard, s’écria miss Tox en regardant Robin, que ce fût là votre…

— Mon aîné, oui, madame, dit Polly ; oui, c’est lui. C’est ce petit bonhomme qui a été la cause innocente de tant d’événements.

— C’est ce p’tit, dit Toodle, le p’tit aux jambes courtes ; et elles étaient courtes, ces pauvres petites jambes, bien courtes pour des culottes de cuir (M. Toodle dit cela d’un ton sentimental). Oui, c’est bien lui dont M. Dombey a voulu faire un Rémouleur. »

À ce souvenir, miss Tox pensa se trouver mal. Ce sujet avait pour elle un intérêt tout particulier : elle tendit la main à Robin, adressa à la mère des compliments sur son air franc et ingénu. Robin l’entendant parler ainsi sur son compte, ne voulut pas la faire mentir, et chercha à se donner l’air d’un petit saint, mais il avait bien de la peine à y arriver.

« Et maintenant, madame Richard, dit miss Tox, et vous aussi, monsieur (elle se tourna vers M. Toodle), je vais vous dire bien franchement pourquoi je suis venue ici. Vous pouvez être surprise, madame Richard, et vous pouvez être surpris aussi, monsieur, de la distance qui me sépare maintenant de quelques-uns de mes amis, et vous pouvez vous étonner qu’une maison que j’avais l’habitude de fréquenter, ne me revoie plus. »