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elle, cependant, même pendant qu’elle lui tenait compagnie, elle demeurait longtemps silencieuse et pensive.

Florence, qui avait tant espéré de ce mariage, ne pouvait s’empêcher quelquefois de comparer la brillante maison d’aujourd’hui à la demeure d’autrefois si triste et si solitaire. Elle se demandait avec étonnement quand elle pourrait enfin jouir, sous une forme quelconque, de ce qu’on appelle le foyer domestique ; car au fond de son cœur un secret pressentiment lui disait que le foyer domestique n’était pas là, quoique partout régnât l’abondance et la richesse. Florence passait bien des heures, le jour et la nuit, à réfléchir tout en larmes à ses espérances évanouies ; car elle se rappelait que sa nouvelle mère lui avait énergiquement déclaré qu’elle était moins que personne en état de lui apprendre le moyen de se faire aimer de son père. Bientôt Florence commença à croire, ou ce qui serait plus vrai, s’efforça de croire que c’était par compassion pour son pauvre cœur que sa mère lui avait ainsi répondu et lui avait interdit à l’avenir un pareil sujet de conversation, sachant mieux que personne qu’on ne pouvait espérer de vaincre ou de changer la froideur de son père à son égard. Désintéressée en cela, comme dans toutes les actions et dans toutes les pensées de sa vie, Florence se résigna à cette nouvelle blessure plutôt que d’encourager les soupçons les plus légers qui pourraient être défavorables à son père. Elle trouvait encore moyen de se dévouer pour lui, même dans le trouble de ses pensées ; quant au foyer domestique, elle espérait qu’il y trouverait plus d’agrément quand les premiers moments de dérangement et de transition seraient passés ; mais elle ne songeait guère à elle-même, et se plaignait moins encore.

Si le foyer domestique manquait à l’intérieur, il fut résolu qu’au moins Mme Dombey en aurait un aux yeux du monde et cela sans délai. Pour célébrer le récent mariage, et pour se créer des relations, M. Dombey et Mme Skewton organisèrent quelques réunions. Il fut convenu que Mme Dombey resterait chez elle un soir de chaque semaine et que M. et Mme Dombey auraient l’honneur de recevoir ce jour-là à dîner des gens de sociétés différentes, assez mal assortis d’ailleurs.

M. Dombey, en conséquence, dressa une liste des plus riches négociants de la Cité qui furent invités par lui à cette fête. Mme Skewton, agissant au nom de sa chère fille, qui traitait avec une suprême indifférence un pareil sujet, donna aussi sa liste comprenant une société tout opposée. Dans cette