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La mère, qui l’avait tirée mainte et mainte fois par sa robe, avait toujours les yeux, des yeux avides, fixés sur les sous dispersés dans la chambre. Tout son être semblait concentré sur ce trésor évanoui ; elle voulait rôder encore autour de la maison replongée dans l’obscurité, pour tâtonner dans la boue si elle n’en retrouverait pas quelques pièces. Mais sa fille l’entraîna, et les deux femmes revinrent droit à leur demeure. La vieille pleurait et se lamentait en chemin sur la perte qu’elle venait de faire ; dans son humeur chagrine, elle reprochait aussi ouvertement qu’elle l’osait à sa jolie fille, d’avoir manqué à ses devoirs en la privant de son souper, dès le premier soir le leur réunion.

Elle alla donc se coucher presque à jeun ; car elle n’avait chez elle que de mauvaises croûtes de pain qu’elle grignotait encore, tout en mâchonnant et en marmottant, accroupie devant les cendres chaudes, longtemps après que sa fille, oublieuse de tous ses devoirs, se fut endormie.

Cette misérable mère et cette misérable fille n’étaient-elles pas en miniature, dans leur sphère dégradée, le portrait véritable de certains vices qu’on retrouve dans des classes plus élevées ? Dans cette machine ronde composée de mille cercles concentriques, serait-il vrai qu’après nous être donné bien du mal à le visiter de haut en bas, nous en sommes réduits au bout du compte à reconnaître que les deux extrêmes se touchent, et qu’à la fin du voyage nous nous retrouvons au point de départ ? Sauf là qualité et la richesse de l’étoffe qui les distinguent, ne pourrait-on pas trouver chez les gens comme il faut des échantillons du même tissu ?

Parlez, Edith Dombey ? et vous, Cléopatre, la meilleure des mères, qu’en pensez-vous ?



CHAPITRE XIV.

L’heureux couple.


La tache que la maison de M. Dombey faisait dans la rue est effacée ; maintenant, si son hôtel se distingue des autres bâtiments, c’est seulement par sa splendeur incomparable du haut de laquelle il les domine fièrement. Il y a un proverbe