Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous avons rencontré M. Carker junior dans la rue. Il a été encore plus drôle que de coutume. Il m’a dit adieu, et puis il nous a suivis jusqu’ici. C’est drôle, n’est-ce pas ? Eh bien ! au moment où nous arrivions à la porte, j’ai regardé derrière nous et je l’ai aperçu qui s’en allait tranquillement, comme un domestique qui m’aurait reconduit chez moi, ou plutôt comme un chien fidèle. Comment va-t-elle, maintenant, mon oncle ?

— Pas plus mal que tout à l’heure, répliqua l’oncle Sol.

— Allons, c’est bien, maintenant, je pars. »

Cette fois, c’était pour tout de bon. Solomon Gills, qui n’avait plus envie de dîner, s’assit de l’autre côté du feu pour veiller sur le sommeil de l’enfant. À le voir bâtir en imagination les édifices les plus fantastiques, dans un coin obscur, devant une petite fille endormie, entouré de tous ses instruments mystérieux, on l’eût pris pour un magicien déguisé sous une perruque galloise et sous des vêtements couleur café, qui tenait dans un sommeil enchanté l’enfant endormi d’un coup de sa baguette magique.

Cependant Walter se rendait chez M. Dombey de toute la vitesse d’une voiture de louage, qui rarement avait marché aussi bon train ; mais cette vitesse ne satisfaisait pas encore l’impatience du jeune homme, car, à chaque minute, il mettait la tête à la portière pour gourmander le cocher. Arrivé au terme de son voyage, il s’élança hors de la voiture et annonçant l’objet de sa visite à un domestique, sans se donner le temps de reprendre haleine, il fut introduit aussitôt dans la bibliothèque. On y parlait, on y discutait ; c’était un bruit confus de paroles à ne pas se reconnaître ; car M. Dombey, sa sœur, miss Tox, Richard et Suzanne Nipper y étaient réunis. « Je vous demande bien pardon, monsieur, dit Walter en courant à M. Dombey, mais je suis heureux de vous apprendre que tout est pour le mieux ! Mlle Dombey est retrouvée ! »

La figure ouverte du jeune homme, ses cheveux flottants, ses yeux brillants, l’expression de bonheur et de joie répandue sur ses traits, contrastaient étrangement avec le sang-froid de M. Dombey, qui le regardait faire, assis dans son grand fauteuil.

« Je vous disais bien, Louisa, qu’on la retrouverait, dit M. Dombey en tournant légèrement la tête du côté de Mme Chick, qui pleurait de compagnie avec miss Tox. Prévenez les domestiques qu’on cesse toute recherche. Le jeune homme, qui m’apporte la nouvelle est le jeune Gay, employé dans les bu-