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— Suzanne n’est pas loin, et les autres l’accompagnent, répondit la bonne Mme Brown.

— Personne n’est blessé ? dit Florence.

— Point du tout, répondit la bonne Mme Brown. »

L’enfant pleura de joie en apprenant cette bonne nouvelle, et suivit la vieille sans résister. Cependant elle ne pouvait s’empêcher, tout en marchant, de regarder quelquefois à la dérobée cette figure, cette bouche surtout qui allait toujours son train, et se demandait quel air devait avoir la méchante Mme Brown, si la bonne était ainsi faite.

Elles n’avaient pas beaucoup marché, mais elles avaient passé par de mauvais chemins, tels que des champs, où l’on fait sécher les briques et les tuiles, quand la vieille entra dans une sale petite ruelle, dont les profondes ornières étaient comblées par la boue. Elle s’arrêta devant une méchante petite maison, aussi bien fermée que pouvait l’être une maison dont les murs étaient fendus et crevassés du haut en bas, ouvrit la porte avec une clef qu’elle prit dans son mauvais chapeau et poussa l’enfant dans une arrière-salle. Là se voyaient amoncelés des tas de chiffons de toutes couleurs, sur le carreau ; un tas de vieux os et un tas de cendre et de poussière passées au tamis ; mais de meubles, point. Quant aux murs et au plafond, ils étaient tout noirs.

L’enfant était si effrayée qu’on eût dit qu’elle allait s’évanouir.

« Allons, ne faites pas la bête, dit la bonne Mme Brown, en la secouant rudement pour la faire revenir à elle. Je ne vous ferai pas de mal, asseyez-vous sur les chiffons. »

Florence obéit en levant vers elle ses mains jointes comme pour l’implorer.

« Je ne vous garderai pas plus d’une heure, dit Mme Brown. Comprenez-vous ce que je vous dis ? »

L’enfant fit tout ce qu’elle put pour répondre et répondit à grand’peine « Oui.

— Eh bien ! reprit la bonne Mme Brown en s’asseyant de son côté sur le tas d’os, ne me mettez pas en colère. Si vous êtes sage, je vous répète que je ne vous ferai pas de mal ; mais si vous me mettez en colère, je vous tuerai. Savez-vous bien que je pourrais vous tuer n’importe quand, même chez vous, dans votre lit ? Voyons, maintenant, dites-moi votre nom, ce que vous êtes et tout ce qui s’ensuit. »

Les menaces et les promesses de la vieille, la crainte de la