Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers la boutique. Regardez-moi cette collection ! La terre, l’air et l’eau, tout y est. Demandez et vous serez servi. Voulez-vous monter en ballon ? voilà. Descendre sous l’eau dans une cloche ? voilà. Si vous désirez, il pèsera l’étoile polaire dans ses balances. Il est capable de faire cela pour vous. »

D’après les remarques faites par le capitaine Cuttle, il était facile de voir que son respect pour les instruments était profond, mais que sa philosophie n’allait pas jusqu’à faire une différence entre l’inventeur et le marchand.

« Ah ! dit-il, avec un soupir, c’est une belle chose de comprendre tout cela ! mais, bah ! c’est une belle chose aussi de n’y rien comprendre ; en vérité, je ne sais ce qui vaut le mieux. C’est si agréable d’être là, assis, et de se dire qu’on peut vous peser, vous mesurer, vous grossir à vue d’œil, vous électriser, vous magnétiser, vous ensorceler et de ne pas savoir comment ! »

Il fallait ce merveilleux madère combiné dans ses effets, avec le désir de développer et d’étendre l’intelligence de Walter pour délier la langue du capitaine jusqu’à prononcer tout d’un trait cette prodigieuse harangue. Lui-même, il sembla étonné de découvrir pour la première fois les sources de jouissances délicieuses qu’il avait goûtées pendant plus de dix ans consécutifs à dîner tous les dimanches dans cette salle à manger. Puis il devint plus sérieux et se mit à réfléchir.

« Allons, dit en rentrant l’objet de son admiration, avant de prendre votre grog, Édouard, il faut finir la bouteille.

— Tenez bon ! dit Édouard, en remplissant son verre. Mais il faut en verser un peu plus au jeune homme.

— Non, merci, mon oncle, cela me suffit.

— Allons voyons, dit Sol, encore un peu. Nous finirons la bouteille, Édouard, à la maison de Walter ! Tiens, pourquoi pas ? elle pourrait bien un jour devenir la sienne… qui sait ? Richard Whittington a bien épousé la fille de son maître.

Reviens donc, Whittington,
Lord maire de London… »

Chantonna le capitaine ; puis il ajouta : « Feuilletez la Bible, mon garçon, et…

— Quoique M. Dombey n’ait pas de fille, reprit Sol…

— Si fait, mon oncle, il en a une, interrompit le jeune homme, riant et rougissant à la fois.

— Il en a une ? s’écria le vieux Sol. Mais c’est vrai, je crois qu’il en a une.