— Très-bien, dit M. Gills, en poussant la bouteille de son côté. »
Il la prit, l’examina, la flaira et dit avec une expression singulière :
« C’est le… ?
— Oui, le… » reprit l’opticien.
Sur cette réponse le capitaine fit un hum significatif, remplit son verre et parut croire que c’était vrai jour de gala.
« Walter, dit-il, en arrangeant avec son crochet ses cheveux qui couraient les uns après les autres et montrant ensuite l’opticien, Walter, regardez-moi cet homme-là. Amour ! honneur ! et obéissance ! Feuilletez votre catéchisme jusqu’à ce que vous trouviez ce passage, et quand vous l’aurez trouvé, vous n’aurez pas besoin d’en lire plus long. À votre succès, mon garçon. »
Il était tellement satisfait de cette citation et de l’application qu’il en avait faite, qu’il ne put s’empêcher de répéter ces mots tout bas, en ajoutant qu’il y avait bien quarante ans qu’il ne les avait pas répétés.
« Mais quand j’ai besoin dans ma vie de deux ou trois mots, Gills, je n’ai jamais été embarrassé pour mettre la main dessus, j’ai toujours pu les trouver à temps. C’est que je ne gaspille pas les mots comme tant d’autres ! »
Cette réflexion lui rappela qu’il aurait mieux fait peut-être d’imiter le père du jeune Norval,
Dans tous les cas il devint silencieux jusqu’au moment où le vieux Solomon sortit pour éclairer sa boutique. Il se tourna alors vers Walter et dit sans transition.
« S’il l’essayait, je suis sûr qu’il pourrait faire une horloge.
— Cela ne m’étonnerait pas, capitaine Cuttle, répondit le jeune homme.
— Et qui marcherait bien, par-dessus le marché, dit le capitaine Cuttle, décrivant avec son crochet dans l’air le mouvement d’un balancier. Oh ! comme elle marcherait ! »
Pendant une minute ou deux, il sembla perdu dans la contemplation de cette horloge idéale et resta les yeux fixés sur le visage du jeune homme, comme s’il l’eût pris pour le cadran.
« C’est un puits de science, dit-il, en tournant son crochet