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quelque chose si je vendais mon fonds ; mais on n’y fait rien, absolument rien. Du temps où l’on portait cet uniforme, continua-t-il, en indiquant du doigt l’habit du petit bonhomme de bois, on pouvait s’enrichir et bien des gens ont fait fortune. Mais depuis, concurrence sur concurrence, invention sur invention, changements sur changements sont survenus, le siècle enfin a marché plus vite que moi ; je ne sais plus où j’en suis, encore moins où sont mes pratiques.

— N’y pensez pas, mon oncle.

— Voyons ! vous êtes sorti de votre pension de Peckam, il y a environ dix jours n’est-ce pas ? dit Solomon : eh ! bien, je ne me rappelle pas avoir vu plus d’une personne entrer dans ma boutique.

— Je vous demande pardon. Il y a l’homme qui est entré pour changer un louis.

— Eh bien, c’est la personne dont je parle.

— Mais attendez donc, mon oncle. Ne vous souvient-il plus d’une dame qui vous a demandé son chemin pour aller à Mile-End ?

— C’est vrai, dit Solomon, je l’avais oubliée. Oui, cela fait deux personnes.

— Il est vrai qu’elles n’ont rien acheté, dit Walter.

— Non, absolument rien, dit Solomon tranquillement.

— Et qu’elles n’avaient même besoin de rien.

— Non, vraiment, continua Sol du même ton. S’il leur avait fallu quelque chose, ce n’est pas ici qu’elles seraient entrées.

— Mais enfin, cher oncle, s’écria le jeune garçon tout triomphant, vous disiez qu’il n’était venu qu’une seule personne et il en est venu deux !

— Eh bien donc, Walter, conclut le vieillard, après un moment de silence, n’étant pas comme les sauvages qui vinrent trouver Robinson dans son île, nous ne pouvons pas compter pour vivre sur un homme qui veut changer la monnaie d’un louis d’or et sur une femme qui demande le chemin de Mile-End. Comme je le disais, le siècle a marché plus vite que moi. Je ne l’en blâme pas, mais je ne puis plus le comprendre. Les commerçants, les ouvriers, les affaires, les objets de vente ne sont plus les mêmes ; tout a changé. Les sept huitièmes de mon fonds ne sont plus de mode. J’ai vieilli dans ma vieille boutique, dans cette rue que je ne reconnais plus. Je suis resté bien en arrière du siècle, il est trop tard maintenant pour le