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« Et… et, dit Poly, en s’arrêtant un instant. Ce regard qui semblait pénétrer sa pensée, le désir qu’elle avait de consoler l’enfant, son peu de confiance en elle-même, malgré le petit succès qu’elle venait d’obtenir, tout la troublait. Et, reprit-elle, se remettant un peu, quand la dame fut morte, de l’endroit où elle fut mise, elle s’envola vers Dieu, et le pria, le supplia, dit Polly en s’attendrissant plus qu’elle ne le voulait, car elle était véritablement émue ; elle le supplia d’apprendre à sa petite fille à croire avec certitude au fond de son cœur qu’elle était dans le ciel, qu’elle y était heureuse, qu’elle l’aimait toujours ; de lui dire d’espérer et de faire tous ses efforts, pendant toute sa vie, pour venir rejoindre sa mère un jour et ne plus s’en séparer jamais, jamais.

— C’était maman, s’écria l’enfant se jetant au cou de Polly et l’enlaçant de ses bras.

— Et le cœur de l’enfant, continua Polly la serrant contre elle, le cœur de la petite fille était si plein de foi, qu’en entendant ce récit de la bouche d’une simple nourrice, qui savait à peine raconter, mais qui était une pauvre mère, la petite fille se sentit un peu consolée ; elle ne se trouva plus si abandonnée, elle pleura, sanglota et caressa le petit enfant couché sur ses genoux…, et… alors… dit Polly passant sa main sur les boucles de cheveux de la petite fille et les arrosant de ses larmes, alors… pauvre chère petite !…

— C’est joli ! mademoiselle Florence, votre papa sera content » cria vivement une voix à la porte : puis on vit apparaître une jeune fille, ou plutôt une petite femme de quatorze ans, elle était courte, brune ; elle avait le nez retroussé, les yeux noirs comme du jais. « C’est joli ! quand il vous a été expressément défendu de venir ennuyer la nourrice.

— Elle ne m’ennuie pas, répondit Polly toute surprise, je suis folle des enfants.

— Pardon, madame Richard, cela ne fait rien, savez-vous, répliqua la jeune fille, qui était si aigre et si cuisante dans ses reparties, qu’elle vous faisait venir les larmes aux yeux, comme lorsqu’on respire du vinaigre, moi, j’aime les vignots à la folie, mais il ne s’ensuit pas que je doive les manger avec mon thé.

— Qu’est-ce que cela fait ? dit Polly.

— Oh ! oh ! cela fait beaucoup, madame Richard, répliqua la petite bonne de son ton aigre. Souvenez-vous seulement, s’il vous plaît, que Mlle Florence est sous ma garde et M. Paul sous la vôtre.