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connus pour être des points de vue des environs et qui garnissaient la chambre.

Edith ne répondit pas à ce compliment, et se drapa dans sa dédaigneuse beauté, d’un air étonné.

« Ont-ils en effet cet honneur ? dit M. Dombey. Ne sont-ils pas de vous ?

— Oui, monsieur.

— Et vous êtes musicienne, je le sais déjà.

— Oui.

— Et vous chantez ?

— Oui. »

Elle répondit à toutes ces questions avec une étrange répugnance. C’était toujours la même lutte entre les deux Edith, trait caractéristique de la beauté de cette femme. Cependant elle n’était pas intimidée et se possédait même parfaitement. Elle ne semblait pas non plus vouloir éviter la conversation, car son regard restait attaché sur M. Dombey, et ses gestes, autant que le lui permettait son orgueil, s’adressaient à lui, même quand il gardait le silence.

« Vous avez au moins bien des ressources contre l’ennui, dit M. Dombey.

— Si elles peuvent être efficaces contre l’ennui, répondit-elle, vous les connaissez toutes, je n’en ai pas d’autres.

— Puis-je espérer de les mettre toutes à l’épreuve ? dit M. Dombey avec une galanterie solennelle ; et, déposant un dessin qu’il tenait à la main, il montrait la harpe.

— Oh ! certainement, si vous le désirez. »

À ces mots, elle se leva et sortit de la chambre. En passant devant le sofa, elle lança à sa mère un regard hautain. Ce ne fut qu’un éclair, mais celui qui l’aurait vu y aurait pu lire une foule d’expressions, que le sombre sourire dont nous avons déjà parlé, et qu’il fallait presque deviner, couvrait de son ombre.

Le major, qu’on avait complétement oublié pendant ce temps-là, avait roulé une petite table auprès de Cléopâtre et se disposait à faire avec elle une partie d’écarté. M. Dombey, ne connaissant pas le jeu, s’assit auprès d’eux pour prendre une leçon, en attendant le retour d’Edith.

« Nous allons avoir de la musique, je pense, dit Cléopâtre.

Mme Granger a eu la bonté de nous le promettre, dit M. Dombey.