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tous les matins et d’un autre quart encore dans l’après-midi, et c’est une montre qui vous fera de l’honneur.

— Capitaine Cuttle ! non, je ne le souffrirai pas, s’écria Walter en le retenant, car il se sauvait. Reprenez-la, je vous en prie ; j’en ai déjà une.

— Eh bien alors Walter, prenez ces petits ustensiles de ménage à la place ! et le capitaine enfonça ses mains dans une de ses poches et en tira les deux cuillères à café et les pinces à sucre dont il s’était muni dans la prévision d’un refus pour la montre.

— Non, non, je ne le ferai pas ! dit Walter. Mille et mille fois merci ! Ah ! capitaine Cuttle, ne les jetez pas (et Walter arrêta le capitaine qui se préparait à les lancer par-dessus pont). Tout cela vous sera plus utile qu’à moi. Tenez ! donnez-moi plutôt votre bâton, j’ai souvent désiré l’avoir. Allons adieu, capitaine Cuttle, ayez soin de mon oncle. Oncle Sol, que Dieu veille sur vous ! »

Avant que Walter eût pu les voir une dernière fois, tous deux avaient déjà quitté le navire au milieu de la confusion. Il s’élança à l’arrière, et, regardant de tous ses yeux, il aperçut son oncle qui penchait tristement la tête dans le bateau, et le capitaine qui lui tapait sa grosse montre d’argent dans le dos (et elle n’était pas tendre), et qui gesticulait d’un air plein de bonne espérance avec ses cuillères et ses pinces à sucre. Son regard ayant rencontré Walter, le capitaine Cuttle laissa tomber son trésor au fond du bateau de l’air le plus indifférent, comme s’il n’en avait jamais eu connaissance, pour agiter en l’air son chapeau de toile cirée et le héler gaiement. Le chapeau de toile cirée reluisait gentiment au soleil, et le capitaine continua de l’agiter jusqu’au moment où Walter fut hors de vue. La confusion, qui avait toujours été croissant à bord du vaisseau, atteignit alors son plus haut point. Deux ou trois autre bateaux s’éloignèrent, le saluant de leurs vivats ; les voiles se déployèrent brillantes et toutes gonflées, pendant que Walter les regardait se tourner à la brise favorable ; la proue fondit l’onde écumante, et voilà le Fils-et-Héritier en route aussi confiant, aussi léger que tous les fils et héritiers qui se sont jamais mis en route avant lui, pour chercher fortune.

Chaque jour depuis, le vieux Sol et le capitaine Cuttle, la carte étendue devant eux sur la table ronde de la petite salle à manger, suivirent la marche du vaisseau. Le soir, quand le vieux Sol montait péniblement dans sa petite mansarde soli-