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de la séparation. Je n’aurai plus maintenant à repousser votre franche amitié, Walter. »

Le sourire mélancolique qui accompagna ces mots prouvait que les avances de Walter, même infructueuses, avaient laissé dans sa pensée un souvenir qui l’avait occupé doucement.

« Ah ! monsieur Carker, répondit Walter, pourquoi m’avez-vous repoussé ? j’en suis sûr, vous ne pouviez jamais me faire que du bien. »

Il secoua la tête.

« Si je pouvais jamais faire quelque bien en ce monde, Walter, ce serait à vous que je voudrais le faire. Votre vue chaque jour a été pour moi un bonheur et un remords à la fois. Mais le plaisir l’a emporté sur la peine. Je le vois bien, maintenant que je sens ce que je perds.

— Entrez, monsieur Carker, et faites connaissance avec mon bon vieil oncle, dit Walter avec instance. Je lui ai bien souvent parlé de vous, et il sera heureux de vous répéter tout ce qu’il m’en a entendu dire. Je ne lui ai pourtant rien dit de notre dernière conversation, continua Walter en remarquant son hésitation et paraissant lui-même embarrassé ; non, monsieur Carker ; non, pas même à lui, vous pouvez m’en croire. »

Le subalterne aux cheveux gris lui serra la main et ses yeux se remplirent de larmes.

« Si jamais je fais connaissance avec lui, Walter, reprit-il, ce sera pour avoir de vos nouvelles. Soyez sûr que je n’abuserai pas de votre délicatesse et de votre discrétion. Ce serait en abuser que de ne pas dire à votre oncle toute la vérité, avant de lui demander un mot de confiance. Mais je n’ai que vous en fait d’ami ou de connaissance, et il est probable que je n’en ferai point d’autre, même pour vous être agréable.

— J’aurais voulu que vous eussiez consenti à faire de moi votre ami, dit Walter. Je l’ai toujours désiré, monsieur Carker, vous le savez, mais surtout maintenant que nous allons nous séparer.

— Vous avez été l’ami de mon cœur, reprit M. Carker ; plus je vous évitais, plus mon cœur se portait vers vous, et ne pensait qu’à vous. N’en demandez pas davantage. Walter, adieu !

— Adieu, monsieur Carker. Que le ciel vous soit favorable ! s’écria Walter tout ému.

— Si, à votre retour, reprit M. Carker en retenant sa main pendant qu’il parlait, si vous ne me voyez plus dans mon coin,