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tion intérieure, changea le cours de la conversation en demandant qui voulait du lait et qui voulait du sucre. Ayant obtenu satisfaction sur ces deux points, elle se mit à verser le thé. Tous quatre s’assirent de compagnie autour de la table et prirent le thé sous les yeux de l’active Suzanne ; la présence de Florence dans la petite salle à manger illuminait sur le mur l’image de la frégate le Tartare.

Une demi-heure auparavant, Walter n’aurait pas voulu, pour rien au monde, l’appeler tout court par son nom. Mais il le pouvait maintenant qu’elle l’en priait. Il pouvait la voir assise là, sans regretter intérieurement qu’elle fût venue. Il pouvait penser, sans se troubler, à sa beauté, au bonheur qu’un heureux époux trouverait dans un tel cœur ; et la place qu’il occupait dans ce même cœur, il y songeait avec orgueil et se promettait courageusement sinon de s’en montrer digne, cela lui semblait trop difficile, au moins de ne jamais s’en montrer plus indigne qu’alors.

Sans doute quelque fée bienfaisante avait répandu ses dons sur les mains de Suzanne Nipper, lorsqu’elle avait fait le thé, pour avoir rempli la petite salle à manger d’un calme si paisible, pendant cette heureuse réunion ; mais sans doute aussi quelque sorcier avait répandu son influence contraire sur le chronomètre de l’oncle Sol, pour le pousser plus vite que le vent le plus favorable n’avait jamais poussé la frégate le Tartare. Quoi qu’il en soit, une voiture attendait nos visiteuses bien tranquillement au coin de la rue, et, quand on eut consulté le chronomètre, par hasard, il exprima si clairement l’opinion que la voiture avait attendu fort longtemps qu’il fut impossible d’en douter, surtout en présence d’une autorité si infaillible. Quand même l’oncle Sol aurait dû être pendu à l’heure marquée par son chronomètre, il se serait laissé pendre plutôt que d’avouer que le chronomètre allait trop vite, même d’un vingtième de seconde.

Florence, en partant, rappela au vieillard tout ce qu’elle lui avait dit et lui fit promettre d’être fidèle à leur traité. Le vieux Sol la conduisit avec amour jusqu’aux pieds du petit aspirant de marine, et là, il la confia aux soins de Walter qui était tout prêt à l’escorter jusqu’à la voiture avec Suzanne Nipper.

« Walter, dit en route Florence ; j’ai craint de vous adresser cette question devant votre oncle. Croyez-vous être absent bien longtemps ?

— Vraiment, je l’ignore, répondit Walter. Seulement j’en