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avait beau avoir un assez mauvais caractère, une intelligence ordinaire, des poils jusque sur les yeux, un museau de carlin, une queue en trompette et une voix rauque ; grâce au souvenir d’adieu de son frère, qui avait recommandé qu’on en eût soin, il était plus cher à Florence que l’échantillon le plus rare de son espèce. Si cher même, cet affreux Diogène, et si bien reçu de sa nouvelle maîtresse, que, dans sa reconnaissance, elle prit la main couverte de bagues de M. Toots et la porta à ses lèvres. Diogène, délivré, arriva donc en grattant les marches et en bondissant dans la chambre. (On avait eu tant de peine d’abord à le faire sortir de la voiture !) Puis il se fourra sous tous les meubles, entortillant une longue chaîne qui pendait de son cou autour des pieds des chaises et des tables, la tiraillant, la secouant avec tant de vigueur et d’impatience, que l’on put voir enfin ses yeux qui lui sortaient de la tête ; il se mit ensuite à grogner contre M. Toots, qui se permettait des familiarités avec lui, et se jeta tête baissée sur les jambes de Towlinson, bien persuadé que c’était enfin là l’ennemi après lequel il avait aboyé, au coin de toutes les rues, depuis qu’il était au monde, sans l’avoir jamais rencontré ; malgré tout cela, Florence le trouva aussi charmant que s’il eût été un prodige de sagesse.

M. Toots était si heureux du succès de son présent, il était si content de voir Florence se baisser pour caresser de sa petite main le dos hérissé de ce vilain Diogène, qui se laissa faire de bonne grâce dès son entrée en connaissance, qu’il ne pouvait se décider à se retirer. Il lui aurait même fallu bien plus de temps pour se décider à prendre ce parti si Diogène n’était venu à son secours, en se mettant tout à coup dans la tête d’aboyer après lui et de simuler de fausses attaques en lui montrant les dents. Ne pouvant prévoir avec exactitude comment se termineraient ces démonstrations, et songeant qu’elles mettaient en péril le pantalon sorti des mains habiles de Burgess et Cie, M. Toots, avec son gros rire, recula vers la porte et sortit ; mais il la rouvrit deux ou trois fois pour regarder dans la chambre sans aucun but déterminé, et, comme à chaque fois Diogène s’élançait de nouveau vers lui en aboyant, il finit par fermer la porte et disparut.

« Ici donc, Dio, cher Dio ! Venez faire connaissance avec votre nouvelle maîtresse. Aimons-nous bien, Diogène ! » dit Florence en couvrant de caresses sa grosse tête velue. Et Dio, le sale et laid Diogène, comme si sa peau couverte de poils eût