Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans tous ses traits. « Pauvre Dombey ! pour sûr je n’aurais jamais cru que Burgess et Cie (tailleurs à la mode, mais fort chers), dont nous avions l’habitude de parler souvent, m’auraient fait ces habits pour une circonstance aussi triste. (M. Toots était en deuil.) Pauvre Dombey !… Je voulais donc vous dire : miss Dombey ! sanglota M. Toots.

— Eh bien ! dit Florence.

— Il y a là un ami qu’il affectionnait beaucoup sur la fin. J’ai pensé que vous seriez bien aise de le garder peut-être comme un souvenir. Vous vous rappelez comme il parlait souvent de Diogène ?

— Oh ! oui, oui, s’écria Florence.

— Pauvre Dombey ! c’est comme moi, » dit M. Toots.

M. Toots en voyant Florence en larmes, avait grand’peine à se tirer de là, et il allait certainement retomber au fond de son puits : heureusement il fit un gros rire qui l’arrêta sur la margelle.

— Je voulais donc vous dire, continua-t-il, je voulais vous dire, miss Dombey, que, si on ne m’en avait pas fait cadeau, j’aurais bien donné douze francs à quelqu’un pour le voler… Bien sûr que je l’aurais fait ! mais je crois que les Blimber n’ont pas été fâchés de s’en débarrasser gratis. Si vous désirez l’avoir, il est en bas. Je l’ai apporté exprès pour vous. Ce n’est pas un chien de dame, vous savez, dit M. Toots, mais cela vous est bien égal, n’est-ce pas ? »

En effet, Diogène, à ce moment, comme ils s’en assurèrent en regardant dans la rue, avait le nez à la portière d’un fiacre, où on l’avait fait monter par trahison, pour l’emmener sous le faux prétexte qu’il y avait des rats dans la paille et qu’il allait leur donner la chasse. À vrai dire, c’était bien le chien le moins propre à faire un chien de dame que l’on eût jamais vu : et, dans son ardente impatience de sortir de sa prison, il donnait de lui une idée fort peu favorable ; il ouvrait la gueule de côté en grognant, et faisait, pour s’échapper, de tels efforts, qu’il tombait dans la paille, puis ressautait tout haletant, en tirant la langue comme s’il fût venu tout exprès chez un docteur consulter pour sa santé.

Mais Diogène avait beau être le chien le plus risible qu’on eût pu rencontrer dans les rues un jour de canicule : turbulent, laid, maladroit avec une grosse tête ronde, et toujours préoccupé de l’idée fixe qu’il devait y avoir quelque ennemi dans les environs après lequel son devoir était d’aboyer ; il