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auprès de sa mère quand elle serra Florence dans ses bras pour rendre le dernier soupir. Il ne pouvait pas oublier cela, dans l’état où il était. Il n’en avait pas peur pour cela : bien au contraire, il l’en aimait davantage.

Il voyait autour de son lit changer toujours les visages, comme la première nuit de sa maladie chez le docteur Blimber. Excepté Florence pourtant qui restait toujours, toujours là. Le docteur Parker Peps se changeait en M. Dombey père, la tête appuyée sur sa main ; la vieille Mme Pipchin, quand elle avait bien fait son somme dans un grand fauteuil, se changeait en miss Tox, à moins qu’elle ne fût remplacée par la tante, et Paul rouvrait et refermait les yeux, après avoir vu ces changements de décoration sans en éprouver aucune émotion. Il n’y avait que cette personne toujours la tête appuyée sur sa main, qui revenait si souvent, qui restait là si longtemps ; qui était si froide et si grave ; n’ouvrant jamais la bouche ni pour parler ni pour répondre et levant la tête si rarement que Paul commença à se demander languissamment d’abord, puis avec une crainte véritable, quand la nuit fut venue, si cette figure qu’il voyait là toujours assise était bien une personne naturelle.

« Florence, dit-il qu’est-ce que cela ?

— Où mon ami ?

— Là au pied du lit.

— Il n’y a que papa ! »

La figure releva la tête, quitta son siège et venant à côté de lui :

« Mon fils, ne me reconnaissez-vous pas ? » dit-elle.

Paul regarda son visage et il hésita. Était-ce bien son père ?… Mais la figure altérée, qu’il tardait à reconnaître, tressaillit sous son regard avec une expression pénible, et avant qu’il eût pu avancer ses deux mains pour la saisir et l’attirer vers lui, elle s’éloigna vivement du petit lit pour aller à la porte.

Paul regarda Florence, le cœur tout palpitant, mais il se doutait de ce qu’elle allait lui dire et il colla sa petite joue contre ses lèvres pour l’empêcher de parler. La première fois qu’il revit ensuite la figure assise au pied de son lit, il l’appela :

« Ne vous affligez pas pour moi, cher papa, dit-il. Je suis très-heureux, je vous assure. »

Son père s’approcha et se baissa vers lui, mais vite et sans s’arrêter auprès du lit. Paul le prit par le cou et lui répéta