Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand le jour commençait à poindre de nouveau, il épiait le retour du soleil, et, quand les gais rayons de l’astre venaient éclater dans la chambre, il se figurait voir, que dis-je, il voyait en effet les hautes tours de l’église se dresser sur le fond azuré du ciel aux premières lueurs du matin ; il voyait la ville sortir de son engourdissement, s’éveiller, revivre encore ; il voyait le fleuve couler tout brillant, mais toujours aussi rapide, et la campagne étincelante de rosée. Des sons, des cris qui lui étaient familiers, se faisaient entendre par degrés dans la rue sous ses fenêtres ; les domestiques allaient et venaient dans la maison ; des figures paraissaient à la porte de sa chambre, et des voix demandaient tout bas de ses nouvelles. Paul répondait toujours lui-même : « Je vais mieux, disait-il, merci, je vais beaucoup mieux ! Dites-le à papa ! »

Peu à peu, le mouvement de la journée, le bruit des voitures et des charrettes, les allées et venues des passants le fatiguaient. Il s’endormait ou bien se sentait poursuivi sans relâche, entre la veille et le sommeil, par la pensée fatigante de ce fleuve irrésistible. Eh ! quoi ! ne s’arrêtera-t-il donc jamais ? disait-il à Florence. Il me semble qu’il m’entraîne avec lui ! »

Mais Florence le calmait et le rassurait, et le plus grand bonheur qu’il pût avoir, chaque jour, était de lui faire reposer la tête sur son propre oreiller pour s’y endormir un peu.

« Vous veillez toujours près de moi, Florence, c’est à mon tour à vous veiller maintenant ! » On calait alors des oreillers dans un coin de son lit, et il y restait appuyé, pendant que Florence était couchée près de lui. Bien des fois, il se penchait en avant pour l’embrasser, et disait tout bas à ceux qui étaient là : « Elle est fatiguée, voyez-vous. Voilà tant de nuits qu’elle veille près de moi ! »

Ainsi le jour passait. La chaleur et la lumière diminuaient peu à peu, et c’était le tour des vagues dorées à revenir danser sur le mur.

Trois graves docteurs, ni plus ni moins, le visitaient chaque jour. Ils avaient l’habitude de se réunir en bas et de monter ensemble dans sa chambre. Le calme y était si grand et Paul les observait avec tant d’attention (quoique jamais il n’eût demandé à personne ce qu’ils disaient) qu’il aurait su les reconnaître rien qu’à la différence du tictac de leurs montres. Mais c’est sur le docteur Parker Peps, qui s’asseyait toujours auprès de son lit, qu’il concentrait surtout son intérêt. Paul avait entendu dire, il y avait longtemps, que c’était lui qui était