Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même avait donné sa démission de régulateur. Au nombre des convertis se trouvait le maître ramoneur, naguère un des incrédules de Staggs-gardens, qui vivait maintenant dans une maison toute décorée d’ornements en stuc, haute de trois étages : sur un écriteau verni, tout enjolivé de belles dorures, il s’intitulait à présent entrepreneur du nettoyage à la vapeur des cheminées de chemins de fer.

Tout le jour et toute la nuit par un échange incessant, le cœur de ce grand mouvement recevait et rendait la circulation active de son sang et de sa vie. C’étaient des foules de gens et des montagnes de marchandises qui partaient et qui arrivaient des vingtaines de fois toutes les vingt-quatre heures et produisaient sur place une fermentation sans fin. Les maisons même semblaient toutes prêtes à faire leurs malles pour aller faire un petit tour je ne sais où. De célèbres membres du parlement, qui se moquaient, il n’y a pas plus de vingt ans, des folles théories des ingénieurs au sujet des voies de fer, et ne les avaient pas ménagés alors dans l’examen de leurs plans, partaient maintenant pour le nord, montre en main, et envoyaient à l’avance par le télégraphe électrique des messages pour annoncer leur arrivée. Jour et nuit, les locomotives triomphantes grondaient au loin ou avançaient sans bruit vers le but de leur voyage, et glissaient comme des dragons apprivoisés dans des niches pratiquées à un pouce près pour les recevoir ; elles s’arrêtaient toutes bouillonnantes, toutes frémissantes, et faisaient trembler les murs, comme si elles avaient peine à contenir dans leur sein le secret de la puissance inconnue qu’elles portaient avec elles, et de leurs grands desseins encore inachevés.

Mais Staggs-gardens avait été détruit jusqu’à la racine. Jour de malheur que celui où pas un « pouce de terre de notre belle patrie, » lisez de Staggs-gardens, ne fut respecté !

À la fin, après bien des questions infructueuses, Walter, suivi de la voiture et de Suzanne, finit par découvrir un homme qui avait jadis habité cette terre maintenant disparue. C’était, s’il vous plaît, le maître ramoneur dont nous avons parlé, et qui, devenu un gros monsieur, frappait un double coup à la porte de sa propre maison.

« J’ai très-bien connu Toodle, dit-il. Il est attaché au chemin de fer ? N’est-ce pas ?

— Oui, oui, monsieur, c’est bien cela, s’écria Suzanne de la portière de la voiture.