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capitaine était retombé dans ses profondes pensées, ses yeux ombragés par ses épais sourcils étaient fixés ardemment sur lui, mais il était évident qu’il ne le voyait ni ne l’entendait, qu’il était plongé dans ses réflexions.

De fait, le capitaine Cuttle travaillait dans sa tête à de si grands desseins, que, loin d’être enfoncé, comme il le disait, il se plongeait à plaisir dans la profondeur de l’abîme sans pouvoir en trouver le fond. Peu à peu il devint tout à fait clair pour lui qu’il y avait là quelque erreur, et que bien certainement c’était Walter qui se trompait et non pas lui.

« S’il y a réellement quelque projet en train pour les Indes, pensait le capitaine, bien sûr il est tout autre que ne se l’imagine Walter, qui, après tout, n’est qu’un enfant sans expérience. Ce ne peut être qu’un nouveau moyen de lui faire faire sa fortune avec une promptitude inaccoutumée. S’il y a quelque petite brouille entre eux (le capitaine voulait dire entre M. Dombey et Walter), il suffira d’un mot dit à propos par un ami pour rétablir la paix et remettre la barque à flot. »

Voici où ces considérations conduisaient le capitaine : comme il avait eu le plaisir de faire connaissance avec M. Dombey, en passant dans sa société une demi-heure des plus agréables à Brighton (le jour où Walter et lui avaient emprunté la somme), en hommes du monde qui se comprennent parfaitement et qui sont tout disposés à bien faire les choses, ils pourraient facilement arranger une petite affaire de ce genre en allant droit au fait.

Il s’agissait donc tout simplement pour lui, en sa qualité d’ami, de diriger ses pas du côté de la demeure de M. Dombey, sans en parler à Walter. Là il dirait au domestique : « Seriez-vous assez bon, mon garçon, pour prévenir M. Dombey que le capitaine Cuttle est ici ? » Puis il prendrait M. Dombey à part, en ami, en s’accrochant à sa boutonnière, lui expliquerait l’affaire, le coulerait à fond et reviendrait triomphant.

À mesure que ces réflexions se présentaient à son esprit, et que peu à peu elles prenaient cette forme et cette tournure, son visage s’éclaircissait comme une matinée douteuse fait place à une journée resplendissante. Ses sourcils, qui s’étaient rapprochés avec une expression du plus mauvais augure, se détendirent et n’exprimèrent plus que la sérénité. Ses yeux, qui s’étaient presque fermés, tant son esprit était tendu par de graves pensées, s’ouvrirent tout grands ; un sourire, qui d’abord n’avait fait sur son visage que trois petites mar-