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que je craignais que vous ne fussiez sorti, parce que j’ai à vous demander un conseil d’ami.

— Vous l’aurez, dit le capitaine.

— Voulez-vous prendre quelque chose ?

— Je veux prendre votre avis, capitaine Cuttle, répondit Walter en souriant, rien de plus.

— Parlez donc, dit le capitaine, c’est avec plaisir, mon garçon. »

Walter lui raconta ce qui s’était passé, et lui exprima l’inquiétude où il était au sujet de son oncle, en ajoutant que le capitaine Cuttle le tirerait de peine, s’il voulait avoir la bonté de l’aider à adoucir le coup. La surprise, la consternation du capitaine Cuttle, à mesure que Walter parlait, étaient si profondes, et croissaient tellement à chaque parole, qu’on put craindre un moment de le voir disparaître de l’horizon, laissant sa figure désolée désormais sans vie, et par suite son habit bleu, son chapeau de toile cirée et son croc sans maître.

« Vous pensez bien, capitaine Cuttle, poursuivit Walter, que, pour moi, je suis jeune, comme a dit M. Dombey, et qu’il ne faut pas s’inquiéter de moi. Il faut que je fasse moi-même mon chemin dans le monde, je le sais. Mais, en venant ici, j’ai pensé à deux choses qui me préoccupent beaucoup au sujet de mon oncle. Je ne prétends pas dire que je mérite d’être l’orgueil et la joie de son existence, vous me croyez, n’est-ce pas ? Mais je ne le suis pas moins, capitaine. Vous savez que je le suis, hein ! »

Le capitaine sembla faire un effort violent pour sortir de l’abîme léthargique où il se trouvait plongé, et pour retrouver son visage à peu près perdu, mais l’effort resta stérile, le chapeau de toile cirée remua seul en signe d’assentiment. Muette réponse d’une signification inexprimable !

« Si je vis et que je conserve ma santé, dit Walter, et je ne crains rien de ce côté, je ne puis guère, malgré cela, espérer revoir mon oncle, en quittant l’Angleterre. Il est vieux, capitaine, sa vie est une vie d’habitude…

— Oui, oui, Walter, d’habitudes honnêtes et paisibles, dit le capitaine se retrouvant enfin tout entier.

— Vous avez bien raison, reprit Walter en secouant la tête, mais ce n’est pas là ce que je voulais dire ; j’entendais parler de l’habitude de vivre avec moi. Et si, comme vous le dites avec vérité, j’en suis sûr, si la perte de sa maison, dont il était menacé, ainsi que de tous les objets auxquels il est atta-