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à Florence par tous les élèves arrivaient jusqu’à lui. « C’est la sœur de Dombey, disait-on. Qu’elle est jolie ! Qu’elle est simple et modeste ! » On ne tarissait pas sur ses qualités, sur son esprit, et Paul se sentait ému et touché, comme si la brise de cette soirée d’été les eût entourés, lui et sa sœur, d’un souffle sympathique.

Pourquoi ? il ne pouvait s’en rendre compte ; car tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il sentait et pensait ce soir-là, soit présent, soit absent, le réel ou le passé, tout se mêlait, tout se fondait ensemble comme les couleurs se fondent dans l’arc-en-ciel, ou dans le riche plumage des oiseaux que le soleil fait chatoyer, ou encore dans les douces teintes du ciel, au moment où l’astre va disparaître à l’horizon. Toutes les choses auxquelles il avait dû penser depuis quelque temps, il les voyait passer devant lui dans la musique, non plus comme réclamant encore son attention ou devant l’occuper désormais, mais comme des choses terminées, réglées à tout jamais. Il y avait bien des années qu’il avait pris plaisir à regarder par une fenêtre solitaire un océan bien loin, bien loin. Et chaque fois, en contemplant les eaux, les pensées qui, la veille encore l’occupaient, s’endormaient calmes et tranquilles comme des vagues mourantes. Eh bien ! ce même murmure mystérieux qu’il admirait souvent encore, couché sur le bord de la mer, il croyait l’entendre résonner dans la romance de sa sœur, dans le bruit des voix, dans le mouvement des pieds ; il le retrouvait dans les figures qui passaient devant ses yeux, et jusque dans la bonté pleine de gaucherie de M. Toots qui venait à tout moment lui donner des poignées de main. Il entendait ce doux murmure lui parler à l’oreille à travers ces attentions dont il était entouré, et s’imaginait, sans savoir pourquoi, que sa réputation de petit rococo s’y rattachait étroitement. C’est ainsi que le petit Paul restait assis, écoutant, rêvant, songeant, regardant et se trouvant heureux.

Il resta ainsi jusqu’au moment de son départ qui fit sensation dans la soirée. Sir Barnet Skettles amena près de lui le jeune Skettles pour lui serrer la main et le prier de ne pas oublier de présenter ses sincères compliments à son cher père, et de lui dire que sir Barnet Skettles espérait que leurs deux fils deviendraient amis intimes. Lady Skettles l’embrassa, écarta ses cheveux de son front et le prit dans ses bras. Mme Baps elle-même (pauvre Mme Baps ! Paul lui en sut gré) quitta sa place auprès du cahier de musique du joueur de harpe pour lui