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était probable que Skettles junior était dans un état de béatitude réelle : apparemment qu’il cachait son jeu.

Le petit Paul fut fort étonné en entrant dans le salon que personne ne se fût assis sur les coussins du canapé, et que tout le monde se rangeât au contraire pour le laisser aller reprendre possession, comme si l’on n’avait pas oublié que c’était là sa place. Personne non plus ne se tint devant lui, quand on s’aperçut qu’il prenait plaisir à voir danser Florence, on laissait même vide un espace assez grand en avant pour qu’il pût la suivre des yeux. Enfin, tout le monde était si bon pour lui, même les étrangers, qui se trouvèrent bientôt fort nombreux, que l’on s’approchait de lui de temps en temps pour lui parler, lui demander comment il se trouvait, s’il n’avait pas mal à la tête, et s’il n’était pas fatigué. Il était très-reconnaissant de tant de bonté et d’attention, et, le dos bien appuyé dans son petit coin sur les coussins, avec Mme Blimber et lady Skettles sur le même canapé, et Florence qui venait s’asseoir près de lui à la fin de chaque quadrille, Paul semblait vraiment très-heureux.

Florence aurait voulu rester là près de lui toute la soirée, sans danser, mais c’était Paul qui l’obligeait à recommencer ; cela lui faisait, disait-il, tant de plaisir ! Et il disait vrai ; car son petit cœur se gonflait et sa petite figure brillait de joie, quand il voyait comme tout le monde admirait sa sœur ; n’était-elle pas le plus joli bouton de rose dans ce parterre de danseuses ?

Paul, de son petit nid au milieu des oreillers, pouvait voir et entendre presque tout ce qui se passait, comme si tout cela se faisait pour son amusement. Entre autres incidents, il entendit M. Baps, le maître de danse, qui entrait en conversation avec sir Barnet Skettles et lui adressait, sans perdre de temps, la même question qu’il avait faite à M. Toots : « Que feriez-vous de vos matières brutes, si elles arrivaient dans les ports la place de votre or ? » Ceci était pour Paul un tel mystère, qu’il désirait vivement savoir aussi ce que l’on en pourrait faire. Sir Barnet n’était pas embarrassé pour savoir que répondre et il en dit fort long ; mais il paraît que la question ne fut pas encore résolue, au gré de M. Baps, car il répliqua : « Oui, certainement, mais supposez que la Russie y entre avec ses suifs ? » Ce qui parut couper la parole à sir Barnet Skettles, car il ne sut que secouer la tête là-dessus en disant : « Mais dans ce cas-là, il n’y aurait plus qu’à se rejeter sur les cotons, je suppose. »