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palpitant, ce type étrange si visiblement empreint dans ses traits, si évident pour tout le monde et si obscur pour lui ?

Il ne put se l’expliquer ni se fatiguer longtemps la tête à en chercher l’explication. Mme Pipchin se trouva de nouveau près de lui, si toutefois elle s’était jamais éloignée (il avait cru la voir sortir avec le docteur, mais il l’avait rêvé peut-être). Tout à coup, comme par enchantement, elle tient à la main une bouteille et un verre, et elle lui en présente le contenu. Après quoi Mme Blimber lui apporta une bonne gelée de viande, et il se trouva si bien que Mme Pipchin retourna chez elle, cédant à ses instantes prières, et que Briggs et Tozer se couchèrent. Le pauvre Briggs poussait de terribles gémissements en pensant à son analyse, qui l’avait décomposé comme aurait pu le faire une opération chimique, mais il n’en fut pas moins rempli d’attentions pour Paul. Tozer en fit autant et tous les autres aussi ; car, avant d’aller se coucher, ils entrèrent tous dans la chambre, lui disant : « Comment allez-vous, Dombey ? » ou bien : « Bon courage, petit Dombey, » ou d’autres petits mots d’amitié. Quand Briggs se fut mis au lit, il resta éveillé à gémir sur son analyse.

« Ce n’est pas bien, disait-il. On aurait fait l’analyse d’un assassin qu’elle n’eût pas été pire et le docteur Blimber serait-il bien aise d’être ainsi traité si son argent de semaine en dépendait ? Ah ! c’est bien facile, continuait-il, de faire travailler toute l’année un pauvre garçon comme un galérien et puis de dire ensuite que c’est un paresseux ! Ça n’est pas malin de lui chiper deux dîners par semaine et puis de dire que c’est un gourmand ! Si on croit que je vais me soumettre à ce régime-là, on se trompe. »

Et là-dessus il gémissait de plus belle.

Le lendemain matin, avant de jouer son air sur le tam-tam, le domestique myope monta prévenir Paul qu’il pouvait rester couché, ce que Paul fit de grand cœur. Mme Pipchin revint un peu avant l’apothicaire, et quelques instants après la bonne jeune femme que Paul avait vue nettoyer le poêle le premier jour de son arrivée (oh ! comme ce jour-là lui semblait loin maintenant), la bonne jeune femme lui apporta son déjeuner. Il y eut encore une consultation loin, bien loin de lui, ou peut-être le rêva-t-il encore ; puis l’apothicaire, rentrant avec le docteur et avec Mme Blimber, dit :

« Oui, je crois, docteur Blimber, qu’il faut laisser ce jeune élève fermer ses livres dès à présent. Les vacances d’ailleurs sont proches.